Pendant l’orage/Leur mission

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 49-50).

LEUR MISSION



2 décembre 1914.


Il ne faut pas confondre Hugo de Claparède, professeur de droit à Genève, avec Édouard Claparède, le directeur des Archives de psychologie, dont je ne connais pas les sympathies, mais dont je doute qu’elles puissent, en tout cas, s’exprimer d’une façon aussi maladroite. Donc Hugo de Claparède se fit emboîter et rabrouer, l’autre jour, à Genève, par son auditoire, pour avoir parlé de la « mission des armées allemandes ». Qu’y a-t-il donc dans la cervelle de ce protestant hargneux ? N’a-t-il pas encore pardonné à l’ancienne France d’avoir forcé jadis ses ancêtres à émigrer à Genève ? Sa rancune lui aurait-elle crevé, sur le cœur, au moment même où tout lui commandait au moins la réserve, sinon le silence ? Et puis, quelle maladresse de s’en aller parler, à Genève, pays neutre et qui aurait pu être envahi, de la mission des armées allemandes qui ont traité comme l’on sait la Belgique ! Si M. Hugo de Claparède réprouve toute solidarité de son pays avec la France, n’aurait-il pas pu tout au moins montrer quelque sympathie pour la malheureuse Belgique ? Belle mission, en vérité, que celle de ravager et de détruire un petit pays innocent qui ne fit que son devoir, qui était d’essayer de défendre, même par les armes, sa neutralité consacrée par les traités ! Certes, la conduite des Allemands dans le nord de la France a été également sauvage, mais c’est un grand pays qui peut et qui sait se défendre efficacement. La Belgique ne le pouvait pas. L’agression contre ce pays a été odieuse ; elle demeurera impardonnable. Travestir cela en mission, quelle mentalité ! Et c’est de Genève que cela nous vient, d’une ville neutre de civilisation française ! Méprisons ce professeur, comme le méprisent ses élèves.