Pendant l’orage/La guerre et l’art

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 23-24).

LA GUERRE ET L’ART



4 novembre 1914.


Voici la première manifestation artistique collective au sujet de la guerre : « La grande guerre, par les artistes », album périodique de huit planches sous une couverture. Il faut féliciter de cette initiative les maisons Berger-Levrault et George Crès, qui essaient de rendre ainsi à la librairie un peu de son activité. J’ai lieu de croire qu’une tentative analogue se prépare dans une direction toute littéraire et philosophique. L’intérêt en ce moment-ci est moins de faire des choses absolument réussies que de faire quelque chose, de prouver au public et à soi-même qu’on est, dans des genres divergents, toujours capable d’effort et de bonne volonté. Il y a d’ailleurs beaucoup plus que de la bonne volonté dans la première livraison de cet album, qui séduira non pas seulement le passant et le curieux, mais aussi l’amateur. Il n’est pas mort, l’amateur. Il collectionne toujours, et cela est bon signe. Mais qu’il sache que l’on a particulièrement pensé à lui et qu’on lui a fait des tirages de luxe, comme d’habitude. Il faut reprendre ses habitudes dans toutes les circonstances où cela est possible. Hier, par ce beau dimanche, il y avait sans doute beaucoup de monde dans les cimetières, il y en avait aussi beaucoup sur les quais de la rive gauche. On bouquinait, comme d’habitude. Les solitaires, les isolés, par goût ou par nécessité, sont très nombreux à Paris. Que feraient-ils des longues soirées s’ils n’avaient pas la lecture ? Joignez à cela quelques images et les tristes heures passent moins lourdes.