Pendant l’Exil Tome II Victor Hugo au comité de Shakespeare




1864

LE CENTENAIRE DE SHAKESPEARE

Louis Blanc avait fait part à Victor Hugo du désir qu’avait le Comité du centenaire de Shakespeare de le compter parmi ses membres ainsi que son fils François-Victor Hugo, le traducteur de Shakespeare.

Victor Hugo écrivit à M. N.-Hepworth Dixon, secrétaire du Comité de Shakespeare à Londres :

Hauteville-House, 20 janvier 1864.
Monsieur,

« La lettre que vous a communiquée mon noble et cher ami M. Louis Blanc est, je pense, la réponse que voici à une lettre de lui :

Hauteville-House, 11 octobre 1863.
« Cher Louis Blanc,

« Pendant les mois de juin, de juillet et d’août, les journaux ont publié un certain nombre d’acceptations de personnes distinguées, invitées à faire partie du Comité de Shakespeare. Mon fils, le traducteur de Shakespeare, n’a pas été invité. Il l’est aujourd’hui. Je trouve que c’est trop tard.

« Dans cet espace de trois mois, je n’ai pas été invité non plus, mais peu importe. Il s’agit de mon fils, et c’est dans mon fils que je me sens atteint. Quant à moi, je ne suis pas offensé, ni offensable.

« Je ne serai point du Comité de Shakespeare, mais puisque dans le Comité il y aura Louis Blanc, la France sera admirablement représentée.

« Victor Hugo. »

« La courtoise lettre que vous m’écrivez, monsieur, en date du 19 janvier 1864, au nom du Comité de Shakespeare, vient modifier ma situation vis-à-vis du Comité, en me laissant pourtant un regret, — regret, à la vérité, qui n’est sensible que pour moi.

« Ce regret, permettez-moi de vous l’indiquer.

« Si le cordial appel que vous me faites l’honneur de m’adresser aujourd’hui m’avait été fait il y a six mois, comme aux diverses personnes honorables dont vous citez les noms, j’aurais pu, à ce moment-là, prévenu d’avance, disposer mes occupations de façon à pouvoir prendre part aux séances du Comité ; c’eût été pour moi un devoir et un bonheur ; mais n’étant point convié à en faire partie, je n’ai vu nulle difficulté à accepter, depuis cette époque, des propositions et des engagements qui maintenant absorbent tout mon temps et me créent des obligations de travail impérieux. Ces engagements, pris par suite du malentendu que vous voulez bien m’expliquer, ne me laissent plus la liberté de siéger parmi vous, et, par l’urgence des travaux qu’ils m’imposent, me priveront, selon toute apparence, de l’honneur d’assister à Londres, à votre grandiose solennité du 23 avril.

« C’est un inconvénient, fâcheux pour moi, mais pour moi seulement, je le répète, et très léger à tous les points de vue. Ma présence, comme mon absence, est un fait indifférent.

« À cet inconvénient près, qui est peu de chose, le malentendu, si courtoisement expliqué dans votre lettre, est tout à fait réparable. Le Comité de Shakespeare, dont vous êtes l’organe, veut bien désirer que mon nom soit inscrit sur son honorable liste, je m’empresse d’y consentir, en regrettant de ne pouvoir compléter cette coopération nominale par une coopération effective. Quant à la fête illustre que vous préparez à votre grand homme, je n’y pourrai assister que de cœur, mais j’y serai présent pourtant dans la personne de mon fils François-Victor, heureux de prendre parmi vous, après votre explication excellente, la place glorieuse que vous lui offrez.

« Le jubilé du 23 avril sera la vraie fête de l’Angleterre. Cette noble Angleterre, représentée par sa fière et éloquente tribune, et par son admirable presse libre et souveraine, a toutes les gloires qui font les grands peuples dignes des grands poëtes. L’Angleterre mérite Shakespeare.

« Veuillez, monsieur, communiquer cette lettre au Comité, et recevoir l’assurance de mes sentiments très distingués.

« Victor Hugo. »