Pendant L Exil Tome II La guerre du Mexique




Actes et paroles volume 4J Hetzel (p. 47-48).

III

LA GUERRE DU MEXIQUE


Quoique digne de toutes les sévérités de l’histoire, le premier empire avait fait de la gloire ; le second fit de la honte. La guerre du Mexique éclata, odieuse voie de fait contre un peuple libre. Le Mexique résista, et fut traité militairement ; l’assaut de Puebla fut un crime dans ce crime, ce fut un de ces écrasements de villes qui déshonoreraient une cause juste, et qui complètent l’infamie d’une guerre inique. Puebla se défendit héroïquement. Tant que le siège dura, Puebla publia un journal imprimé sur deux colonnes, l’une en français, l’autre en espagnol. Tous les numéros de ce journal commençaient par une page de Napoléon le Petit. Les combattants de Puebla expliquaient ainsi à l’armée de l’empire ce que c’était que l’empereur. Ce journal contenait un appel à Victor Hugo[1]. Il y répondit.

Hommes de Puebla,

Vous avez raison de me croire avec vous.

Ce n’est pas la France qui vous fait la guerre, c’est l’empire. Certes, je suis avec vous. Nous sommes debout contre l’empire, vous de votre côté, moi du mien, vous dans la patrie, moi dans l’exil.

Combattez, luttez, soyez terribles, et, si vous croyez mon nom bon à quelque chose, servez-vous-en. Visez cet homme à la tête, que la liberté soit le projectile.

Il y a deux drapeaux tricolores, le drapeau tricolore de la république et le drapeau tricolore de l’empire ; ce n’est pas le premier qui se dresse contre vous, c’est le second.

Sur le premier on lit : Liberté, Égalité, Fraternité. Sur le second on lit : Toulon. 18 brumaire. — 2 décembre. Toulon.

J’entends le cri que vous poussez vers moi, je voudrais me mettre entre nos soldats et vous, mais que suis-je ? une ombre. Hélas ! nos soldats ne sont pas coupables de cette guerre ; ils la subissent comme vous la subissez, et ils sont condamnés à l’horreur de la faire en la détestant. La loi de l’histoire, c’est de flétrir les généraux et d’absoudre les armées. Les armées sont des gloires aveuglées ; ce sont des forces auxquelles on ôte la conscience ; l’oppression des peuples qu’une armée accomplit, commence par son propre asservissement ; ces envahisseurs sont des enchaînés ; et le premier esclave que fait le soldat, c’est lui-même. Après un 18 brumaire ou un 2 décembre, une armée n’est plus que le spectre d’une nation.

Vaillants hommes du Mexique, résistez.

La République est avec vous, et dresse au-dessus de vos têtes aussi bien son drapeau de France où est l’arc-en-ciel, que son drapeau d’Amérique où sont les étoiles.

Espérez. Votre héroïque résistance s’appuie sur le droit, et elle a pour elle cette grande certitude, la justice.

L’attentat contre la république mexicaine continue l’attentat contre la république française. Un guet-apens complète l’autre. L’empire échouera, je l’espère, dans sa tentative infâme, et vous vaincrez. Mais, dans tous les cas, que vous soyez vainqueurs ou que vous soyez vaincus, notre France reste votre sœur, sœur de votre gloire comme de votre malheur, et quant à moi, puisque vous faites appel à mon nom, je vous le redis, je suis avec vous, et je vous apporte, vainqueurs, ma fraternité de citoyen, vaincus, ma fraternité de proscrit.

Victor Hugo
  1. Voici le texte :
    Que ereis ? Los soldados de un tiranno. La mejor Francia es con nosotros. Habeis Napoleon, habemos Victor Hugo.