Paysages introspectifs/Souvenirs
SOUVENIRS
Des soirs ! des soirs ! des soirs !… Âmes de longs baisers
Qu’on sent bien fugitifs et qu’on ne peut plus vivre !
Souffles chauds instillés en aiguilles de givre !
Bouche fanée ! Amour d’une heure ! Espoirs lésés.
— Des cryptes d’autrefois surgissent des fantômes,
Drapés dans leur suaire et dans des linceuls blancs,
Qui s’enviennent errer la nuit sur les étangs,
Où gisent engloutis nos pauvres toits de chaume.
Soirs arrosés de pleurs dans l’alme drap du lit !
Soirs où l’être se fond dans les bises berceuses !
Soirs où saigne le feu dans le cœur des veilleuses !
Lèvres qu’on voit ! rires qu’on sait ! billets qu’on lit !
— Ils détachent la barque, et, sans fixer la rive,
Glissent silencieux sur le miroir des eaux ;
Et la lune qui tremble aux liquides vitraux,
Montre aux peuples noyés leurs ombres en dérive.
Ô soirs qu’on aime bien et qui pourtant font mal,
Ainsi qu’une sirène enivrante et mégère,
Ainsi qu’une chanson suave et mensongère !
Soirs de soleils ! soirs envolés ! Ô soir brumal !
— Ils plongent par instant, quand le sillon s’efface,
Leurs rames dans la vase où dorment nos beaux jours,
Et l’on voit sur les flots des épaves d’amours,
Ivres d’un lourd sommeil, monter à la surface.
Puis le temps fait passer dessus ses brunissoirs.
Les fantômes s’en vont rendormir leurs névroses,
Parfois sans revenir..... Ô paupières closes !
Rétrospectifs regards des soirs ! des soirs ! des soirs !…