Pauvres fleurs/La Fiancée du Matelot

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Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 231-234).



LA FIANCÉE DU MATELOT.
À madame Frédéric Lepeytre.
MARSEILLE.


Jardin de ma fenêtre,
Mon seul encens à moi,
Avril t’a fait renaître ;
N’est-il bon que pour toi !
Tes fleurs moins chancelantes,
Se reparlent tout bas ;
Et moi, je sais deux plantes,
Qu’il ne réunit pas !


Combien de jours de fête,
Ont regardé mes pleurs,
Sans relever ma tête,
Pensive sur tes fleurs !
Mais celui qui fait l’heure,
Pèse mon temps amer ;
Il voit l’ombre où l’on pleure
Comme il voit dans la mer.

Ce soir, une hirondelle,
Qui descendait des cieux,
A frolé de son aile
Tes volets gracieux ;
Ta fraîche palissade
A tremblé sous son cœur ;
Vient-elle en ambassade
De la part du bonheur ?

Sans lune et sans étoile,
Quand la nuit teint les flots,

J’allume sous ton voile,
Ma lampe aux matelots,
Afin que cette flamme
Qui s’épuise ardemment,
Comme un peu de mon âme,
Attire mon amant !

Dans la nuit ignorée,
Où Dieu me le rendra,
Vers ma vitre éclairée,
Son regard montera,
Bientôt si ma neuvaine,
Au bout d’un an… perdu !
Ma lampe le ramène
À ton sol suspendu.

Dans le port, si le phare
Mourait avant le jour,
Au marin qui s’égare,
Montre au loin son séjour ;

Il sait qu’à ma fenêtre,
Toujours comme aujourd’hui,
Tes fleurs qu’il a fait naître,
S’illuminent pour lui !