Pauvres fleurs/À Madame Henriette F…

Pour les autres éditions de ce texte, voir À Madame Henriette F..



À MADAME HENRIETTE F…


Quand ma pensée oiseau s’envole et fend l’absence
Et veut, si Dieu le veut, chanter en ta présence,
D’où vient qu’en reprenant haleine dans tes fleurs,
Elle te voit toujours pensive ou tout en pleurs ?

C’est donc qu’il faut pleurer pour épurer nos âmes,
De chaque souffle amer qui fait pâlir leurs flammes ;
C’est donc, quand la voix manque aux femmes à genoux,
Femme, qu’il faut des pleurs entre le ciel et nous ?


Oui ! tes pleurs ont des mots ignorés de toi-même ;
Ému de leurs secrets, Dieu les écoute ; il aime,
À regarder tomber ces prières sans bruit,
Pour les semer au ciel et t’en garder le fruit.
Mais, attends : l’hiver gronde ; ouvre un peu ta fenêtre ;
Mes enfans sont au pied, mouillés et gracieux,
Presque anges comme toi, tu dois les reconnaître :
Ils ont des fleurs aux mains et de la joie aux yeux !

Car leur mémoire aussi, comme une fleur qui vole,
Qui traverse l’exil et parfois le console,
L’aile reprise au charme où tu sus m’arrêter,
Devant tes doux ennuis veut s’en aller chanter !
Voix d’enfans, voix d’en haut ! que l’amour les emporte ;
Que ton jeune gardien nous entr’ouvre la porte ;
Afin que tant de cœurs faits pour s’entre-charmer,
Se disent qu’il est triste et qu’il est doux d’aimer !