Pausanias, Elide-1, chapitre XXIV

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 195-203).

CHAPITRE XXIV.


Autres Statues de Jupiter consacrées par des villes ou par des particuliers. Statue de Jupiter Horcius placée dans le Sénat. Statue d'Alexandre, fils de Philippe, sous la figure de Jupiter.

AUPRES de l'autel dédié à Jupiter Laœtas et à Neptune Laœtas, il y a sur un piédestal de bronze une statue de Jupiter, offrande du peuple de Corinthe, et faite par un certain Musus qui ne m'est pas autrement connu. En allant du Sénat au grand temple, vous trouvez à gauche une statue de Jupiter; le dieu a une couronne qui paraît de fleurs, et tient la foudre de sa main droite. Elle est d'Ascarus, Thébain, élève de Cléon de Sicyone. C'est, à ce qu'on dit, une offrande des Thessaliens.

S'ils ont eu quelque guerre avec les Phocéens, et si c'est de leurs dépouilles qu'ils ont fait cette offrande, cette guerre ne peut pas être celle qu'on nomme sacrée ; elle a sûrement eu lieu avant que les Mèdes passassent dans la Grèce avec leur roi. Près de là est un autre Jupiter, statue que les Psophidiens ont dédiée après avoir obtenu quelques succès à la guerre, comme nous l'apprend l'inscription qu'on y lit.

A droite du grand temple et au levant se voit un Jupiter qui a douze pieds de haut; c'est, dit-on, une offrande que firent les Lacédémoniens, tandis qu'ils étaient encore en guerre avec les Messéniens soulevés contre eux pour la seconde fois: l'inscription est élégiaque et conçue ainsi : Jupiter Olympien, puissant fils de Saturne, accepte cette belle statue que t'offrent les Lacédémoniens, et sois-leur propice.

Nous ne connaissons aucun Romain, soit sénateur, soit simple particulier, qui, avant Mummius, ait fait quelque offrande dans aucun temple de la Grèce. Du produit du butin fait sur les Achéens, Mummius érigea dans Olympie un Jupiter en bronze ; ce Jupiter est debout, à gauche de celui qu'offrirent les Lacédémoniens, et vers la première colonne du temple de ce côté là. De toutes les statues en bronze de Jupiter qui sont dans l'Altis, la plus grande est celle que les Éléens eux-mêmes érigèrent après la guerre contre les Arcadiens, car elle a vingt-sept pieds de haut.

Il y a vers le Pélopium une colonne peu élevée sur laquelle est une petite statue de Jupiter qui a la main gauche étendue. En face de cette statue il y en a plusieurs de file, parmi lesquelles on voit Jupiter et Ganymède. Homère dit dans ses vers que les dieux avaient enlevé Ganymède pour servir d'échanson à Jupiter, et qu'on donna à Tros des chevaux en récompense de cet enlèvement. Ce groupe a été dédié par Gnothis Thessalien, et il est l'ouvrage d'Aristoclès, fils et élève de Cléœtas.

Un autre Jupiter n'a pas encore de barbe; mais il est parmi les offrandes de Micythus. Je dirai plus loin ce que c'était que ce Micythus, de quel pays il sortait, et pour quelle raison il avait fait la plupart de ces offrandes à Olympie. Un peu après la statue dont je viens de parler, et sur la même ligne, vous trouvez un autre Jupiter aussi sans barbe ; c'est une offrande des Élaïtes, qui, étant descendus des plaines du Caïque vers la mer, se sont établis à l'entrée de l'Éolide.

On voit tout auprès une autre statue de Jupiter avec Pélops à un de ses cotés, et le fleuve Alphée à l'autre. L'inscription nous apprend que c'est une offrande des Gnidiens de la Chersonèse pour la dîme du butin fait sur leurs ennemis. La plus grande partie de la ville de Gnide est bâtie sur le continent de la Carie, et c'est là que se trouve tout ce qu'elle a de plus remarquable. Ce qu'ils nomment la Chersonèse est une île presque adjacente au continent, à laquelle on passe sur un pont, et ce sont les habitants de cette partie qui ont dédié ces statues à Jupiter, de même que ceux des Éphésiens qui habitent la partie de la ville nommée le Corésum ont fait une offrande en leur propre nom. On voit aussi vers le mur de l'Altis un Jupiter tourné au couchant, sur lequel il n'y a point d'inscription ; on croit qu'il a de même été consacré par Mummius du produit du butin fait sur les Achéens.

De toutes les statues de Jupiter, celle qu'on voit dans le Sénat est la plus propre à frapper les méchants de terreur. On donne à ce Jupiter le surnom d'Horcius, et il tient un foudre de chaque main. C'est devant ce Jupiter que les athlètes, leurs pères, leurs frères, et leurs maîtres de gymnastique, sont obligés de jurer sur les entrailles d'un sanglier, qu'ils ne violeront en rien l'ordre établi dans les jeux olympiques; les athlètes sont obligés de jurer de plus, qu'ils se sont exercés avec le plus grand soin durant dix mois sans interruption.

Tous ceux qui sont chargés d'examiner les enfants ou de visiter les poulains qui doivent concourir, jurent aussi qu'ils jugeront avec équité et sans recevoir de présents, et qu'ils garderont le secret sur les raisons qui leur auront fait admettre ou rejeter ceux qui se seront présentés. J'ai oublié de demander ce qu'on faisait du sanglier après que les athlètes avoient prêté leur serment; mais on sait que dans les temps très anciens, il était d'usage que les victimes sur lesquelles on avait prêté serment, ne pussent plus servir d'aliment aux hommes, et on en voit un exemple remarquable dans Homère, qui nous apprend que le héraut jeta dans, la mer le sanglier sur le corps duquel Agamemnon avait juré que Briséïs n'était point entrée dans son lit. Voici ses expressions ; Il proféra ces mots, et de son glaive impitoyable il ouvrit la gorge du sanglier, que Talthybius lança dans les abîmes de la mer pour servir de pâture aux poissons. C'étoit là l'usage reçu anciennement. Il y a devant les pieds de Jupiter Horcius une plaque de cuivre sur laquelle on lit une ins cription élégiaque, faite pour inspirer la terreur à ceux qui oseroient se parjurer. Voilà le détail le plus exact de toutes les statues de Jupiter qu'on voit dans l'intérieur de l'Altis, car pour la statue qui a été érigée vers le grand temple par un Corinthien de la ville fondée par Jules César, et non de l'ancienne, elle représente Alexandre, fils de Philippe, sous la figure de Jupiter.