Pausanias, Elide-1, chapitre XVIII

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 143-151).

CHAPITRE XVIII.


Suite de la description du coffre de Cypsélus.

En faisant le tour du coffre, on voit sur le côté gauche, d'abord une femme tenant sur son bras droit un enfant blanc endormi, et sur le gauche un enfant noir qui semble aussi dormir, ils ont tous les deux les pieds croisés. Les inscriptions nous apprennent, et sans elles on le devinerait bien, que ces enfants sont le Sommeil et la Mort, avec la Nuit qui est leur nourrice.

Une belle femme qui en entraîne une hideuse qu'elle étrangle d'une main et frappe de verges de l'autre, est la Justice châtiant l'Iniquité. On croit que les deux autres femmes qui frappent avec des pilons dans des mortiers, sont des magiciennes, car du reste elles n'ont point d'inscription. Quant à l'homme qu'on voit après elles, et à la femme qui le suit, l'inscription en vers hexamètres nous les fait connaître, elle porte en effet : Idas reprend dans le temple la belle Marpesse qu'Apollon lui avait ravie, et elle le suit sans contrainte.

Un homme vêtu d'une tunique tient une coupe d'une main et un collier de l'autre : Alcmène prend ces ceux objets; et cela se rapporte à ce que disent les Grecs,que Jupiter ayant emprunté la figure d'Amphitryon, eut commerce avec Alcmène. Ménélas, revêtu de sa cuirasse et l'épée à la main, fond sur Hélène comme pour la tuer; il est évident que c'est après la prise de Troie. Médée est assise sur un siège, Jason à sa droite et Vénus debout à si gauche, et une inscription dit : Jason épouse Médée, c'est Vénus qui l'ordonne.

On y a aussi représenté Apollon qui commence à chanter une ode, et les Muses qui la continuent ; l'inscription porte : C'est Apollon, fils de Latone, qui lance ses traits au loin; les Muses, troupe enchanteresse, sont autour de lui, et il leur donne le ton. Vous voyez Atlas qui, suivant la tradition, porte sur ses épaules le ciel et la terre, et tient a la main les pommes des Hespérides; sur lui s'élance un homme armé d'une épée et dont le nom n'est point écrit; mais tout le monde voit que c'est Hercules à cette inscription : Atlas soutient bien le ciel, mais il lâchera les pommes.

Vient ensuite Mars, revêtu de ses armes, conduisant Vénus; l'inscription le nomme Enyalius. On y a aussi représenté Thétis, encore fille; Pelée la saisit, et un serpent qui sort de la main de Thétis se jette sur lui. Enfin les sœurs de Méduse poursuivent, en volant, Persée qui a aussi des ailes. Persée est le seul dont le nom soit écrit.

Sur le troisième côté du coffre sont deux troupes de guerriers, la plupart fantassins. On y voit aussi des hommes montés sur des chars à deux chevaux : à l'air des soldats il est aisé de conjecturer qu'ils sont prêts à en venir aux mains, mais que se reconnaissant ils se réunissent et s'embrassent. On explique cela de différentes manières. Les uns disent que ce sont les Étoliens venus avec Oxylus, et les anciens Éléens : ces peuples se souvenant de leur origine commune se témoignent mutuellement leur bienveillance. D'autres disent que ce sont les Pyliens et les Arcadiens qui se rencontrent et sont prêts à se battre vers la ville de Phygalie, sur les bords du fleuve Jardanus ; mais il n'est nullement probable que le grand-père de Cypsélus, qui avait fait l'acquisition de ce coffre, étant Corinthien lui-même, ait négligé volontairement les événements particuliers aux Corinthiens pour y faire sculpter des faits étrangers qui, d'ailleurs, n'étaient pas très célèbres. Voici qu'elle est sur ce sujet mon opinion : Cypsélus et ses ancêtres tiraient leur origine de Gonuse, au-dessus de Sicyone, et avoient pour premier auteur de leur race Mélas, fils d'Antasus.

Alétès effrayé d'une réponse qui lui avait été adressée par l'oracle de Delphes, ne voulait pas permettre à Mélas et à ses troupes de s'établir avec lui à Corinthe, comme je l'ai dit dans la description de cette ville; mais Mélas, après avoir été renvoyé, revint à la charge, et fit tant par ses prières et ses bons offices, qu'Alétès le reçut pour ainsi dire malgré lui, et l'on peut conjecturer que leurs armées sont celles qui ont été représentées sur ce coffre.