Pausanias, Elide-1, chapitre XV

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 119-127).

CHAPITRE XV.


Atelier de Phidias dans l'Altis. Léonidaeum. Olivier Callistéphanos. Jupiter Moeragètes. Prytanée des Éléens. Leur manière de sacrifier. Junon Ammonienne et Mercure Parammon.

IL existe hors de l'Altis un édifice nommé l'atelier de Phidias, c'est-là qu'il achevait les détails de toutes les parties de la statue de Jupiter ; on y voit un autel consacré à tous les Dieux en commun ; en retournant sur ses pas pour aller vers l'Altis, on se trouve en face du Léonidaeum, édifice situé hors de l'enceinte sacrée, et vers le chemin dit de procession, le seul que suivent les processions lorsqu'elles sortent de l'Altis. Cet édifice a été consacré au Dieu par un habitant du pays nommé Léonidas ; il sert actuellement à loger les magistrats Romains qui gouvernent la Grèce : une ruelle le sépare de la porte par laquelle entrent les processions. Les Eléens se servent du mot Agyia pour désigner une ruelle que les Athéniens nomment Sténopos.

En laissant derrière soi le Léonidaeum à droite, et en entrant dans l'Altis on trouve l'autel de Vénus et ensuite celui des Saisons. Vers l'opisthodome, tout à fait à droite, est un olivier sauvage, qu'on appelle l'olivier Callistéphanos (aux belles couronnes). Ses branches servent à faire les couronnes qu'on donne aux vainqueurs Olympiques. Il y a près de cet olivier un autel des Nymphes, surnommé aussi aux belles couronnes. Dans l'Altis, à droite du Léonidaeum, est l'autel de Diane Agoraea et celui de Dispœna ; je dirai dans la description de l'Arcadie, quelle est la déesse qu'on nomme Dispœna : on remarque ensuite l'autel de Jupiter Agoraeus; et devant ce qu'on appelle la Proédrie, celui d'Apollon Pythien ; puis, celui de Bacchus, qui n'est pas ancien, dit-on, et qui a été dédié par de simples particuliers.

En allant vers l'Aphésis, d'où partent les chevaux, il y a un autel qui, suivant son inscription, est dédié a Mœragètes, il est évident que c'est un des surnoms de Jupiter, qui connaît seul ce que les Parques (Mœrae) veulent ou ne veulent pas accorder aux hommes; près de là est l'autel des Parques, qui est plus long que large ; ensuite celui de Mercure, puis deux autels dédiés à Jupiter Hypsistos (très haut). Dans l'Aphésis des chevaux, à peu près vers le milieu, se trouvent en plein air les autels de Neptune Hippius et de Junon Hippia, et vers la colonne celui des Dioscures; à l'entrée qui est vers ce qu'on nomme l'Éperon, on voit d'un côté l'autel de Mars Hippius, et de l'autre celui de Minerve Hippia; en entrant dans l'Éperon même, on trouve les autels d'Agathe Tychée (la bonne fortuné), de Pan et de Vénus, et plus avant dans l'Éperon celui des Nymphes, que les Éléens nomment Acmènes (florissantes). En revenant du portique qu'ils nomment le portique d'Agaptus, du nom de l'architecte qui l'a construit, on remarque à droite un autel de Diane.

En rentrant dans l'Altis par la porte des processions, vous voyez derrière le temple de Junon les autels du fleuve Cladéus et de Diane, ensuite celui d'Apollon, un quatrième dédié à Diane, surnommée Coccoca, et un cinquième à Apollon Thermius; je n'ai pas eu beaucoup de peine à deviner quel était l'Apollon Thermius des Éléens, ce mot existant dans la langue Attique. Quant à Diane, je n'avais aucun besoin d'apprendre pourquoi ils la surnomment Coccoca.

Devant le Théocoléon est un petit édifice, au coin duquel est un autel dédié à Pan. Le Prytanée des Éléens est dans l'Altis, vers l'entrée qui est au-delà du Gymnase ; il y a dans ce Gymnase des lieux destinés aux courses, et d'autres aux exercices des athlètes. Devant les portes du Prytanée est un autel de Diane Agrotera ; et dans le Prytanée même, en s'avançant vers l'endroit où est la table sacrée, on trouve à droite un autel dédié à Pan. Le foyer sacré est lui-même fait de cendre, et il y a dessus un feu qui est constamment entretenu nuit et jour; on porte, comme je l'ai déjà dit , la cendre de ce foyer à l'autel de Jupiter Olympien, et elle ne contribue pas peu à l'agrandissement de cet autel.

Les Éléens sacrifient une fois par mois sur tous les autels que j'ai indiqués en détail. Ces sacrifices se font suivant quelque ancien rite, car on fait brûler sur ces autels de l'encens avec de la farine d'orge pétrie avec du miel. Ils y mettent aussi des branches d'olivier, et ils se servent de vin pour les libations, à l'exception cependant de celles qu'ils font aux nymphes, aux déesses nommées Dispœnae et sur l'autel dédié à tous les Dieux. Le soin de ces sacrifices est confié au Théocole, qui n'est chargé de cette fonction que pour un mois, aux Devins, aux Spondophores (ceux qui sont chargés des libations), à l'Exégète, ou joueur de flûte, et au Xyleus.

Je ne crois pas nécessaire de rapporter dans cet ouvrage les paroles qu'ils prononcent en faisant les libations dans le Prytanée, ni les hymnes qu'ils chantent. Ils offrent des libations non seulement aux dieux de la Grèce, mais encore à Junon Ammonienne et à Parammon, divinités de la Libye; Parammon est un surnom de Mercure. Il paraît que dès l'antiquité la plus reculée les Éléens ont eu recours à l'oracle de Libye, et l'on voit dans le temple d'Ammon des autels dédiés par eux sur lesquels se lisent leurs questions, les réponses du dieu, et les noms des particuliers de l’Eliade qui sont allés au temple d'Ammon.

Les Éléens offrent aussi des libations aux héros et à leurs épouses, non seulement à ceux de leur pays, mais encore à ceux de l'Étolie. Les hymnes qu'ils chantent dans le Prytanée sont en dialecte Dorien, mais on ne dit pas de qui ils sont. Ils ont aussi une salle pour les festins ; elle est dans le Prytanée, vis-à-vis de l'endroit où l'on conserve le feu sacré : c'est dans cette salle qu'ils donnent un repas à ceux qui ont remporté la victoire aux jeux olympiques.