Pauliska, ou la Perversité moderne/00
PRÉFACE
DE L’ÉDITEUR.
Pendant mon séjour à Lausanne,
j’ai eu l’occasion d’y voir
la Comtesse Pauliska, réfugiée
Polonaise, célèbre par sa beauté
et ses malheurs. Quelques fragmens
qu’elle me lut de ses mémoires
piquèrent vivement ma curiosité :
je la pressai de les publier. « Pourquoi
dévoiler ces horreurs, me
répondit cette femme intéressante ?
Vous le voyez, tout ce
que les romanciers modernes ont
imaginé en spectres, en fantômes
hideux, en perversité imaginaire,
n’approche pas de la réalité funeste
des évènemens dont j’ai été
le jouet, et qui me font croire
à la fatalité. Abus, ou plutôt
crimes en tout, en morale, en
amour, en amitié, dans les arts
même ; voilà ce que j’ai vu dans
tous les pays où l’infortune m’a
conduite. Non, ne portons point
le désespoir dans les cœurs
vertueux et que l’amitié seule partage
et adoucisse mes souvenirs… »
Deux années de calme ont enfin rappellé la Comtesse Pauliska au bonheur et à la fortune. Montrant par son exemple que la vertu, semblable à l’élément du feu toujours pur et inaltérable dans les fermentations terrestres, survit et brille d’un nouvel éclat dans les orages de la vie, elle a abjuré sa noire misanthropie et a consenti à ce que ses mémoires fussent publiés.
Puissent les tableaux qu’ils présentent arrêter ces torrens de maximes perverses, de systêmes absurdes qui, en ridiculisant les plus nobles vertus, en outrageant sur-tout l’amour naïf et l’heureuse innocence, ébranlent aujourd’hui chez presque tous les peuples les fondemens de la morale et de la société !