Paulin (Tome 2p. 210-213).
Troisième partie


CHAPITRE XXIV.

EXPLICATION.


Il nous reste à expliquer l’arrivée de M. de Morville au château de Brévannes, et sa présence, ainsi que celle de Paula dans le chalet, où se trouvaient Berthe et Arnold un quart d’heure auparavant.

M. de Morville avait appris par madame de Lormoy, sa tante, que Paula était subitement partie avec son mari pour la Lorraine, au milieu de l’hiver, pour aller passer quelque temps chez M. de Brévannes.

M. de Morville ignorait complètement que Paula connût M. de Brévannes ; ce départ si subit, si extraordinaire en cette saison, annonçait une intimité bien grande. De plus, il se souvenait de quelques mots, de quelques réticences de Paula lors de sa dernière entrevue avec elle au bal masqué. Il se crut sacrifié, trahi, ou plutôt il ne put trouver une raison plausible au départ de Paula ; sa raison se perdit. Au risque de compromettre Paula par l’invraisemblance du prétexte de son voyage, il partit pour la Lorraine, décidé à parler à tout prix à madame de Hansfeld et à éclaircir ce mystère.

Il arriva en effet sur les quatre heures du soir, fit arrêter sa voiture à la grille du parc qui avoisinait le chalet, ainsi que nous l’avons dit, et envoya son domestique à madame de Hansfeld avec ces mots :

« Madame,

« Par suite d’un pari avec ma tante, madame de Lormoy, qui, surprise de votre brusque départ et assez inquiète sur votre santé, désirait vivement savoir de vos nouvelles, j’ai gagé que je viendrais m’en informer auprès de vous, et que je retournerais à l’instant à Paris rassurer madame de Lormoy. Si vous êtes assez bonne pour vous intéresser à mon pari, veuillez me le faire savoir. N’ayant pas l’honneur de connaître M. de Brévannes, et ayant promis de ne pas même descendre de voiture, j’attends votre réponse à la grille du parc. »

Paula reçut ce billet au moment où elle rentrait de la promenade. Il pleuvait. Prendre à l’instant le premier manteau venu (ce fut celui de Berthe, il se trouvait dans un vestibule), courir auprès de M. de Morville, tel fut le premier mouvement de Paula.

Au milieu de ses terribles angoisses, elle voulait à tout prix éloigner M. de Morville d’un lieu où pourrait se passer un événement si tragique.

M. de Morville descendit de voiture à la vue de Paula, entra dans le parc, prit son bras et lui fit de tendres reproches sur son départ si brusque, la suppliant de lui expliquer cette détermination si bizarre.

Craignant d’être rencontrés dans le parc, quoique la nuit commençât à venir, Paula conduisit, tout en marchant, M. de Morville vers le pavillon où se trouvaient enfermés Berthe et M. de Hansfeld.

En entendant ouvrir la porte, Berthe, par un mouvement de frayeur involontaire, se réfugia dans la seconde pièce du pavillon ; Arnold la suivit et put, en entendant le rapide entretien de M. de Morville et de Paula, s’assurer que du moins Paula n’avait jamais oublié ses devoirs.

M. de Morville, rassuré par les plus tendres protestations de Paula qui le pressait de partir, venait de lui demander un seul baiser sur le front… lorsque M. de Brévannes la tua, trompé par l’obscurité, par le manteau de Berthe, et surtout par la conviction qu’il avait de la présence de celle-ci dans le pavillon.

On retrouva, le lendemain, le châle d’Iris flottant sur un des étangs.

On se souvient que M. de Morville avait dit à Paula qu’un serment sacré le forçait de fuir toutes les occasions de la voir.

C’était encore une machination d’Iris.

Jalouse de ce nouvel attachement de sa maîtresse, elle était allée trouver madame de Morville, lui avait fait un effrayant tableau de la jalousie cruelle et soupçonneuse du prince de Hansfeld, capable, dit-elle, de faire tomber M. de Morville dans un sanglant guet-apens s’il s’occupait plus longtemps de la princesse.

Madame de Morville, épouvantée des dangers que courait son fils, lui fit jurer, sans lui découvrir la cause de son effroi, de ne plus songer à madame de Hansfeld à moins que celle-ci ne devînt veuve. M. de Morville, quoique ce serment lui coutât beaucoup, vit sa mère qu’il adorait, si émue, si suppliante, elle était d’une santé si chancelante, qu’il sentit que la refuser serait lui porter un coup terrible, peut-être mortel. Il céda… il promit.

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Dix-huit mois après ces événements, Berthe Raimond, princesse de Hansfeld, partit avec Arnold et le vieux graveur pour habiter l’Allemagne, où ils se fixèrent tous trois.


FIN.