Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1 La Perse et la Grèce

Calmann-Lévy (1p. 108-121).

CHAPITRE V

LA PERSE ET LA GRÈCE.
I. — 
Immensité de l’empire des Perses. — Le grand Roi, ses richesses et sa puissance.
II. — 
Faiblesse et médiocrité de la Grèce.
III. — 
Darius lui déclare la guerre. — Il réclame l’hommage de la terre et de l’eau aux cités hellènes. — Réponse de Sparte et d’Athènes.
I

Le Vendidad, un des livres sacrés de la Perse, raconte qu’à l’origine du monde, Ormuzd, le dieu céleste, remit au héros Yma des armes invincibles, et lui donna trois cents contrées pour domaine. Mais les hommes et les bœufs, les chevaux et les chameaux, les chiens et les oiseaux, s’y multiplièrent de telle sorte que ce grand espace devint trop étroit pour les contenir. Le dieu accorda à Yma trois cents autres pays encombrés bientôt comme les premiers. Il lui fit don de trois cents régions nouvelles, encore une fois débordées par le flot montant des générations. Alors Yma marcha vers les étoiles, et il fendit l’extrémité de la terre d’un si rade coup de sa lance d’or, qu’elle s’écarta sous le choc et devint plus grande d’un tiers qu’elle n’était. Une rallonge lui parut encore nécessaire ; il la frappa de nouveau, et elle doubla d’étendue. — « Alors — dit le Vendidad — les bœufs, les bêtes de somme et les hommes ont marché en avant à leur fantaisie et comme ils l’ont voulu. »

Au cinquième siècle avant notre ère, les Rois de Perse avaient presque réalisé l’exploit fabuleux attribué à leur grand ancêtre ; leur lance avait ébranlé et conquis la terre. L’Empire démesurément agrandi par Cyrus, encore accru par Cambyse, dominait le monde. En dehors de la Perside et de la Médie, il possédait, à l’état de nations sujettes, la Babylonie, la Lydie, la Phénicie, la Judée, la Syrie, le Cappadoce, la Thrace, la Phrygie, la Cilicie, la Paphlagonie. La Bactriane et le Petit Thibet l’enfonçaient dans l’Inde, l’Égypte était une de ses provinces, la Grèce asiatique de l’Asie Mineure et de l’Ionie lui appartenait. Avec Chypre, Samos, Chio et Lesbos, il s’était emparé, dans la Méditerranée, des pierres du gué maritime qui menait aux rives de l’Occident. Le colosse couvrait l’Asie, entamait l’Afrique, et, par la mer, allongeait déjà son pied sur l’Europe. L’écart de ses frontières allait de l’Hellespont à l’Indus. Cyrus le Jeune les définissait en disant qu’elles s’étendaient depuis la région du froid insupportable jusqu’à la zone de l’insupportable chaleur. Les Prophètes mêmes d’Israël sacraient sa puissance et oignaient sa force. Daniel eut une vision où il le voyait, « heurtant de la corne vers le nord et vers le midi ; et aucun peuple ne pouvait tenir contre lui ». Ézéchiel le compare à un dragon dont le battement d’ailes est « pareil au bruit d’un grand camp ». Isaïe montre Jéhovah mettant la main sur Cyrus et le lançant vers le monde qu’il lui a livré : — Ainsi, dit Jéhovah à Coresch (Cyrus), son Messie : « Je te soutiens par le bras pour étendre les nations devant toi. Je briserai les reins des rois en dénouant leurs ceintures ; je l’ouvrirai les battants des portes et je romprai les verrous de fer. — Je te donnerai les trésors de l’obscurité, les richesses profondément enfouies, afin que tu saches que c’est moi qui t’ai appelé, avant que tu ne m’aies connu. »

Le roi de cet énorme empire s’appelait par excellence le « Grand Roi ». « Longue-Main » était aussi un de ses surnoms, parce que sa droite se déployait sur la terre, et qu’aucun peuple n’était hors de son atteinte. Sa capitale d’hiver, la ville de Suse, construite en forme de faucon aux ailes éployées, figurait cette souveraineté. Ses armées étaient innombrables, leurs phalanges étaient des nations. Toutes les richesses du monde affluaient dans son trésor par des pentes aussi entraînantes que celles qui portent les fleuves à la mer. Il tirait, chaque année, vingt mille talents d’or de ses États tributaires ; les peuples dépourvus de métaux payaient en nature. Les Éthiopiens donnaient des dents d’éléphant et du bois d’ébène ; les Arabes, comme les mages de l’Évangile, offraient de l’encens ; les tribus caucasiques envoyaient cent jeunes garçons et cent vierges. L’Empire nourrissait en outre, le roi et sa maison, et les défrayait de toutes choses. Telle ville fournissait le pain, telle autre la viande ; celle-ci le vin, celle-là les eunuques et les chiens de chasse. Babylone, à elle seule, entretenait pour le service de la cour un haras de seize mille cavales et de huit cents étalons. Ajoutez l’obligation rigoureuse de n’aborder le monarque, pour une audience ou pour une requête, qu’en déposant à ses pieds un présent mesuré à la fortune du solliciteur. Le roi prenait le poisson du pêcheur et l’agneau du pâtre aussi bien que le coffre de la province et le joyau du satrape. La concubine même du harem, implorant une faveur, devait détacher un collier de son cou ou une bague de ses doigts. L’idole était irrassasiable d’offrandes, il fallait la redorer sans cesse pour être exaucé. Ces flots de richesses, charriés par des milliers de canaux et aboutissant à un centre unique, accumulaient leur trop-plein dans des réservoirs immobiles. À Suse, à Ecbatane, à Persépolis, le Grand Roi avait des greniers et des caves d’or. Les monnaies métalliques, fondues au creuset, s’y déversaient dans des jarres de terre, à l’étui liquide. Quand le métal était refroidi, on brisait le vase où la masse s’était moulée en lingot compacte, et on le coupait ensuite selon les besoins. Un siècle plus tard, lorsque Alexandre prit Suse, il y trouva cinquante mille talents, plus d’un milliard d’aujourd’hui.

Une splendeur prodigieuse entourait ce Roi redoutable. On entrevoit, à travers quelques versets de la Bible, ses palais de marbre revêtus de pourpre, avec leurs lits d’or dressés sur des pavés de porphyre. Sa cour était un monde de dignitaires, de gardes, de veneurs, de pages, d’eunuques et d’esclaves. Les plus belles femmes de l’Empire, recrutées dans toutes les provinces, peuplaient et renouvelaient son sérail. Ses parcs de cèdres, ses jardins de rosés, remplis d’antilopes et de rossignols, étaient si magnifiquement délicieux que le « Paradis » en a pris leur nom. Quinze mille convives mangeaient chaque jour à ses tables. Athénée et Polybe nous ont transmis le menu de ces repas dévorants que les Macédoniens trouvèrent inscrit sur une colonne de cuivre, comme un rituel culinaire. Mille bœufs, quatre cents moutons, cinq cents oies grasses, trois cents tourterelles, six cents oiseaux rares, des monceaux de blé, des flots d’huile, une mer de vin, des épices à surcharger un vaisseau tout s’y compte par tas et par hécatombes. La « Bouche du Roi », comme l’étiquette appela plus tard ce service, était un gouffre qui engloutissait, chaque jour, la nourriture d’une grande ville. Le livre d’Esther parle d’un festin donné par Assuérus — le Xerxès d’Hérodote — à ses commensaux, qui dura sept jours et sept nuits. Xerxès y parut, sans doute, coiffé de la tiare droite que le monarque seul avait droit de ceindre, et vêtu de cet habit chargé de diamants, qu’un historien grec, vantant la force de son successeur, le loue d’avoir pu porter tout une matinée, sans qu’il eût faibli sous son poids.

Au centre de cet éblouissement, le Grand Roi léguait dans une profondeur, masqué en dieu, invisible et inabordable. Le peuple ne le connaissait que par les taureaux ailés à face humaine, dressés aux portes de son palais, symboles de sa force et de sa puissance. Un rideau de pourpre voilait, comme un nuage, ce soleil humain, pendant ses audiences. Qui l’approchait devait d’abord l’adorer, c’est-à-dire se prosterner à ses pieds : Thémistocle lui-même, pour voir Artaxerxe, dut plier sa taille de héros à cette servile étiquette. Sa présence frappai de mort l’audacieux qui osait paraître devant lui sans avoir été appelé. — « J’irai donc chez le Roi » — dit à Mardochée Esther, la reine favorite, la « Perle », comme il l’avait surnommée, — « J’irai chez le Roi, ce qui est contre la loi. Si alors je péris, que je périsse ! » — Et elle s’achemine vers la chambre royale, comme elle entrerait dans l’antre d’un lion endormi.

Le Roi pouvait tout et il voulait tout, son omnipotence était absolue. Il avait hérité de toutes les souverainetés des nations conquises : la théocratie des Pharaons, la divinisation des rois assyriens, s’étaient ajoutées à son despotisme. Les lois s’abattaient devant son caprice ; il trônait au-dessus de tout droit et de tout devoir. — Cambyse devint amoureux de sa sœur, et il voulut l’épouser. Cependant un scrupule le prit, il convoqua les juges royaux et leur demanda si c’était permis. Les juges répondirent qu’ils ne savaient aucune loi qui autorisât le mariage entre frère et sœur, mais qu’ils en connaissaient une permettant au roi de Perse de faire tout ce qu’il voudrait. — Tout ordre sorti de sa bouche était fatal et irrévocable. Qu’il y persistât ou s’en repentit, il ne pouvait pas plus le rétracter que l’arc ne peut ramener à lui la flèche lancée par sa corde. — Le Darius de la Bible (Dariawesch) décrète que quiconque, dans l’espace de trente jours, priera un autre dieu que lui, sera jeté dans la fosse aux lions, Daniel monte sur sa terrasse, à l’heure de la prière, il s’agenouille, le visage tourné du côté de Jérusalem, et il invoque l’Éternel. Les satrapes le dénoncent au roi, qui veut le sauver ; mais ils lui disent : « — Sache, ô roi, que la loi des Perses est qu’aucun arrêt rendu par le roi ne puisse être ni révoqué, ni changé. » Darius, qui aimait Daniel, se désole il n’en fait pas moins jeter aux lions le prophète, et il scelle de son anneau la dalle de la fosse.

Les sujets du grand Roi lui appartenaient corps et biens ; aucune distinction dans leur esclavage. Il a des taureaux dans un troupeau, et il y a aussi des pourceaux ; tous également soumis au bâton et au couteau du pasteur. De même le gouverneur de royaume ne pesait pas plus dans l’arbitraire du monarque que le gardien de ses étables ou le porteur de son chasse-mouches. — Cambyse voulant, un jour, prouver son adresse à son chambellan Prexaspès, perça son fils, en présence du père, d’un coup de flèche entre les deux yeux. Une autre fois il fit enterrer vifs douze jeunes nobles, la tête en dehors du sol, sans prétexte aucun, sans colère, parce que telle était sa fantaisie du moment. — Un jour, il ordonne de faire mourir Crésus qui, depuis la conquête de son royaume par Cyrus, vieillissait honorablement à la cour de Perse. Les hommes chargés de l’exécution la retardent, craignant qu’il ne les châtie l’heure d’après, pour avoir trop vite obéi. II se repent en effet, est content d’apprendre que Crésus vil encore mais il punit de mort les exécuteurs qui ont osé discuter son ordre. — Plus tard, Xerxès. après Salamine, surpris par une tempête dans sa fuite, demande au pilote s’il reste une chance de salut : l’homme lui répond que le vaisseau sombrera, s’il n’est déchargé de la moitié de ses passagers. Xerxès regarde ses courtisans qui comprennent et qui se prosternent. Ils se jettent du pont dans la mer, le navire allégé atteint le rivage. Xerxès, parce que le pilote a sauvé la vie du roi, lui fait présent d’une couronne d’or ; et lui fait trancher la tête, parce que son conseil a causé la mort de beaucoup de Perses.

Tel était le Grand Roi, incarnation formidable des puissances et des monstruosités de l’Orient, armé de forces qui, depuis un siècle, avaient tout dompté et tout asservi, dominateur absolu du monde. La terre, selon la parole biblique, « tremblait et se taisait devant lui ».

II

Aux extrêmes frontières de son empire, s’agitait dans une péninsule maigre et sèche, entrecoupée de montagnes, toute de côtes au terrain pierreux, un petit peuple qui, selon le mot d’un de ses poètes, « avait eu la Pauvreté pour sœur de lait ». Il n’y avait guère que deux liens entre ses tribus querelleuses : les Dieux d’Homère et d’Hésiode, et, chaque année, des Jeux solennels où elles se ralliaient un instant, dans une trêve de fraternité. Les Grecs avaient eu un âge héroïque, mais lointain déjà, presque immémorial, perdu dans l’horizon de la Fable. Dans l’intervalle, cette race s’était dispersée en colonies florissantes, sur les rives de l’Ionie et de l’Italie, et ces essaims semblaient avoir emporté avec eux te miel et l’industrie de la ruche. On eût dit que les enfants prodigues de la mère patrie avaient réclamé, en l’abandonnant, son génie héréditaire, comme leur patrimoine. Les philosophes qui ont fondé la science, en soulevant le masque mythologique qui recouvrait la nature, Thaïes et Anaximandre, Xénophane et Pythagore enseignaient tous dans la Grande Grèce et l’Asie Mineure. Anacréon chantait à Téos, Simonide et Bachylide à Céos, Arion à Sardes, Archiloque à Paros, Alcée et Sapho à Lesbos. Les îles de la mer Égée formaient une sorte de constellation de la Lyre qui brillait en dehors de l’Hellade encore à l’état d’astre en formation. Sparte faisait bande a part : casernée dans les institutions farouches de Lycurgue, elle inaugurait sa morne existence de cloître guerrier exploitant un troupeau de serfs. Athènes, à demi rustique, dégrossie par les lois de Solon, à peine délivrée de la tyrannie des Pisistratides, s’exerçait obscurément, sous le patronage de Clisthènes, à l’apprentissage de la liberté. Argos, déchue de sa vieille gloire homérique, végétait sur le tombeau d’Agamemnon, comme un laurier mort. Thèbes, oublieuse d’Hercule, attendant Épaminondas et Pindare, n’était encore que la capitale de la Béotie.

Mais cette race élue portait en elle des divinités qui devaient conquérir le monde : les génies de la beauté, de la civilisation, de l’éducation, du progrès ; une religion ouverte à toutes les hardiesses et à toutes les conceptions de l’esprit, le sens unique et parfait des arts, le culte des idées pures, un don de perfectionnement qui transformait tout ce qu’elle touchait. Elle parlait une langue si mélodieuse et si lumineuse que tout autre idiome auprès d’elle paraissait un jargon grossier. Toute pauvre et exiguë qu’elle était, la conscience de son aristocratie native lui faisait appeler « Barbares » ceux qui vivaient hors de ses mœurs et de ses cités. Un aiguillon supérieur, l’amour de la gloire, la poussait aux travaux sublimes de l’action et de la pensée. Ce coin de terre était le point du jour de la civilisation éternelle ; l’imperceptible peuplade sentait en elle l’âme du monde.

Le feu couvait, le glaive l’attisa, et il en fit jaillir la grande flamme qui éclaire encore toute l’humanité.

Vers l’an 489, la Perse déclara la guerre à la Grèce. Le Géant massif et chaotique de l’Asie marcha contre l’Homme dont la petitesse, restée droite au milieu du prosternement unanime, choquait de loin son orgueil.

III

Darius avait contre la Grèce des ressentiments qui motivaient son attaque. L’Ionie et l’Archipel s’étant soulevés contre la domination des Satrapes, Athènes avait envoyé vingt-cinq trirèmes a leur aide. Ses soldats avaient pris et incendié Sardes, la capitale lydienne des rois de Perse. Hippias, le fils de Pisistrate, réfugié à Suse, était devenu le conseiller de Darius, et le petit tyran déchu poussait le grand despote à la guerre, pour restaurer son principat sur les ruines de sa patrie subjuguée. Des intrigues de cour compliquaient et envenimaient ces griefs. Atossa, la femme de Darius, avait un désir fantasque et obsédant comme un rêve, celui d’être servie par des jeunes filles athéniennes. La sultane voulait être coiffée et habillée par des Grâces. De tout temps, l’alcôve a été le véritable Divan des monarchies asiatiques. C’est de là que parlent les faveurs subites et les disgrâces foudroyantes, les révolutions de palais et les déclarations de guerre. — « Tu es terrible comme une armée rangée en bataille ! » ont pu toujours dire les rois d’Orient à leur favorite, comme Salomon à la Sulamite. Les femmes actives et vives de l’Europe, comparées aux belles femelles oisives de l’Asie, frappaient d’ailleurs vivement l’imagination des hommes de l’Iran. Darius, passant par la Pœonie, avait été saisi, comme d’une apparition, par la rencontre d’une jeune femme qui, portant gracieusement un vase sur son front, conduisait un cheval à l’abreuvoir, et filait en même temps sa quenouille. La « dame » — Dam, comme l’appelait la vieille langue aryenne, — maîtresse de la maison, reine du foyer, s’était révélée et montrée à lui.

Quoi qu’il en soit, Darius, apprenant l’incendie de Sardes, demanda d’abord « Qu’est-ce donc qu’Athènes ? » avec l’étonnement d’un homme mordu au talon par un insecte invisible. Peut-être consulta-t-il, pour s’en informer, cette coupe magique gardée dans le trésor des rois de Perse, où, d’après le Schah-Namek, les contours des sept zones du monde étaient gravés en relief, et qui montrait a ses initiés tout ce qui se passait sur la terre. Puis la colère le prit ; il lança comme un message une flèche vers le ciel, et il s’écria : « Accorde-moi, ô Dieu de me venger des Athéniens ! » Un esclave eut ordre de se tenir debout derrière lui, à sa table, et de lui répéter par trois fois, pendant le repas : — « Maître, souviens-toi des Athéniens ! » Son premier acte fut d’envoyer aux cités grecques des hérauts chargés de leur réclamer la poignée de terre et la cruche d’eau, hommage formel de vassalité, symbole parlant de la sujétion. Qui l’accordait, livrait le pays ; il tenait tout entier dans cette double offrande. La terreur de la puissance perse était telle que la plupart des villes consentirent. Thèbes, elle-même, la cité de Cadmus, envoya au Grand Roi une motte de la glèbe héroïque, d’où ses pères étaient sortis en armes, des dents semées du Dragon. Mais Sparte et Athènes firent une réponse cruellement superbe à l’insolente sommation. Avec une de ces ironies littérales que l’antiquité appliquait souvent aux supplices, les Spartiates jetèrent dans un puits le héraut de Darius, en lui criant d’aller y prendre la terre et l’eau pour le roi. Les Athéniens précipitèrent le messager dans le Barathron, et ce châtiment ne satisfit pas leur orgueil blessé. Un interprète, qui accompagnait l’envoyé des Perses, avait transmis en grec l’ordre de Darius. Cette sommation d’un despote barbare, traduite dans leur langue généreuse et libre, leur parut un crime de lèse-majesté. Ce fut pour eux un sacrilège comparable à celui d’un homme qui aurait jeté des choses impures dans un fleuve sacré. Thémistocle fit voter la mort du profanateur. — On a déchiffré récemment un papyrus d’Herculanum soutenant cette thèse : « Que les dieux parlent grec. »