Figures contemporaines : ceux d’aujourd’hui et ceux de demain
Perrin et Cie, libraires-éditeurs (p. 159-162).


PAUL ADAM


Il siérait peu de se représenter M. Paul Adam d’après le modèle que dessinèrent jadis, au temps du symbolisme, quelques-uns de nos plus joyeux chroniqueurs. Il ne mérita en rien de défrayer la morne et facile verve des chevaliers du boulevard ; il ne coula pas ses jours dans les brasseries légendaires où fumait l’encens des mutuelles louanges, et il ne fit pas partie de cette hyperbolique garde de cent archers, que le facétieux Anatole France attribua, autrefois, à Jean Moréas.

M. Paul Adam est un solitaire, un de ceux qui vivent dans l’œuvre rêvée, moins soucieux du monde que de leur art, et c’est sur plus de dix livres qu’on le doit juger aujourd’hui, dix livres qui nous révèlent une des personnalités les plus complexes, les plus curieuses et les plus nobles de sa génération.

C’est même cette complexité, cette variété, cette diversité d’esprit, qui rendent la physionomie de Paul Adam plus difficile à saisir.

Il le faudrait regarder sous dix côtés différents : comme mystique et comme psychologue, comme évocateur et comme analyste, comme critique et comme philosophe, comme lyrique et comme ironiste, comme polémiste et comme sociologue. La tâche est ardue, parce que M. Paul Adam s’est montré partout artiste et penseur original.

Par mille petits traits il le faudrait peindre, par des touches tour à tour précises et vagues, par des tons clairs et de brumeuses indications, car cet écrivain divers, multiforme, souple et vigoureux à la fois, échappe à la ligne qui enserre et qui limite.

Cependant, on peut dire qu’il apparaît surtout comme un métaphysicien idéaliste et comme un impitoyable et nerveux satiriste. Ce sont là les deux caractéristiques, les deux pôles de son talent. C’est parce qu’il a cherché des essences lointaines et des êtres de songe, au-delà de ce décor des choses, qu’il a peint en clairvoyant dédaigneux, c’est pour cela qu’il a fustigé, de quelles rudes verges ! les ridicules, les vices et les hontes de son temps.

Aussi, déconcerte-t-il ceux qui aiment les classifications nettes et faciles, les entomologistes de la critique et les maîtres d’école de la littérature, mais, soit qu’il applique son esprit aux questions vitales de la sociologie, de la métaphysique ou de la morale, soit qu’il se plonge dans le rêve et dans les psychiques visions qu’il sait susciter, il charme, il séduit, et si parfois il provoque quelques colères et quelques haines, il ne recueille jamais l’indifférence.