Patrimoine et Identité/Methodologie

Mémoire d’histoire
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Méthodologie modifier

Dans ce premier chapitre consacré à la méthodologie, je vais présenter les méthodes appliquées à l’étude du patrimoine de la commune des Fougerêts. Il s’agit de mettre en évidence la manière dont j’ai abordé cette étude locale comme s’intégrant dans un mouvement patrimonial des Pays de Vilaine. Je vais aussi exposer précisément, les différentes sources disponibles dans l’étude du patrimoine des Fougerêts, expliquer mes procédés à savoir pourquoi j’ai choisi ces sources, et comment j’en ai puisé les informations nécessaires. Cela me permettra finalement de dégager les divers problèmes auxquels j’ai été confronté mais aussi l’intérêt que j’ai trouvé à étudier le patrimoine d’une commune de Haute-Bretagne.


Les Pays de Vilaine. modifier

L‘appellation «Pays de Vilaine» correspond à une zone géographique. Il me parait essentiel d’évoquer le cadre des Pays de Vilaine dans ce chapitre. Mon étude du patrimoine des Fougerêts et sa finalité ne pourrait pas, en effet, se comprendre en dehors de ce cadre. Mon travail s’inscrit dans un contexte où l’on cherche à présenter et analyser les caractères du patrimoine d’un « pays », tout en marquant bien son appartenance au patrimoine breton [1]. Étudier le patrimoine des Fougerêts, c’est dégager des illustrations d’une identité gallèse, partie intégrante d’une identité bretonne [2].

À partir de 1965, les autorités locales communales se sont préoccupées, entre autres, du développement culturel et touristique pour répondre à un déclin humain du « pays » et à une dégradation des conditions économiques [3]. Cela a conduit à la création d’un Office de Tourisme des Pays de Vilaine, de syndicats d’initiatives locaux qui sont des conditions matérielles d’accueil [4]. Par exemple, un Comité d’Aménagement de la Basse Vallée de l’Oust (C.A.B.V.O) est mis en place en 1969 afin de concevoir collectivement, entre les cinq premières communes participantes, l’aménagement de la vallée de l’Oust en contribuant au développement des projets de chaque commune [5]. En 1982, le C.A.B.V.O participe à la création du Grand Site Naturel de l’Ile aux Pies. Depuis, il se consacre à l’aménagement en amont et en aval pour « (…) prévenir les risques de dégradation et de banalisation des différents milieux naturels mais aussi [pour] donner à cette vallée une vocation plus affirmée de pôle d’attraction touristique» [6] .

Ce besoin culturel et cette nécessité touristique s’appuient sur un patrimoine qui apparaît être une richesse fondamentale de ce « pays. » Les particuliers et les associations sont alors intervenus afin de recueillir ce fond patrimonial ; le Groupement Culturel Breton des Pays de Vilaine crée en 1975 est l’exemple parfait de ce travail autour des « traditions orales. » Depuis le milieu des années soixante-dix, le G.C.B.P.V organise la Bogue d’Or, qui est emblème de l’identité culturel des Pays de Vilaine.

En reprenant la réflexion de M.Lamy sur les trois temps préalables menant à la constitution d’association du patrimoine, mon étude sur la commune des Fougerêts peut être comprise comme une participation [7]. Ce mémoire n’est pas une brochure touristique ni une quête de nouveaux témoignages [8]. Mon objectif est tout autre. Il s’agit de souligner les éléments majeurs du patrimoine des Fougerêts, d’aborder le regard des acteurs locaux et, enfin, de dégager une identité fougerêtaise.

  1. Le Groupement Culturel Breton des Pays de Vilaine a publié plusieurs ouvrages consacrés à l’ensemble du patrimoine du pays d’Oust et de Vilaine.
  2. « Dans ce regain d’intérêt pour les cultures populaires et les identités, la réflexion sur les cultures locales et les identités régionales trouvent tout naturellement sa place. Des domaines qui jusque là étaient laissés aux plaidoyers pro domo des leaders nationalistes ou régionalistes voire à la manie collectionneuse des érudits locaux ou des dialectologues, se voient ainsi investis par un questionnement sociologique. » in Pierre CORBEL, La figure du Gallo, Thèse de Sociologie, Paris, 1984, page 55.
  3. Jean-Louis LATOUR, « Pour une approche des gens de ce pays » in Pierre LABURTHE-TOLRA [dir.], Le pays de Redon, Ass. Roger Bastide, L'Harmattan, 1985, page 9-20.
  4. Les créations de la Fédération d’animation rurale des Pays de Vilaine et des Maisons de Jeunes des Pays de Vilaine après 1972, lieux de rassemblements basés sur l’idée de développement d’activités culturelles, peuvent être comprises dans le même esprit.
  5. Ces cinq communes étaient Bains-sur-Oust, Glénac, Les Fougerêts, Peillac et Saint-Martin-sur-Oust. Quatre autres communes ont intégré le C.A.B.V.O, plus tard, Saint-Perreux, Saint-Vincent-sur-Oust, Saint-Jean La Poterie et Saint-Gravé.
  6. PAYS D’ACCUEIL DE VILAINE, Contrat Tourisme Culturel Grands Sites Naturels, l’Ile aux Pies et la Basse Vallée de l’Oust, Dossier de pré-candidature, août 1989, page 8.
  7. L’auteur propose un système qui commence d’abord par un développement touristique via la mise en place de conditions matérielles d’accueil, puis un travail de collecte des traditions par les gens de la communauté, et enfin par la collaboration entre universitaires et amateurs. Patrie, Patrimoine, Genèse, n°11, Paris, Belin, 1993.
  8. En expliquant mon travail, une Fougerêtaise m’a dit « (…) mais j’ai déjà fait ça (…) » et elle ne comprenait pas où je voulais en venir.

Les promenades, les fougerêtais et les archives : les sources du patrimoine des Fougerêts et leurs critiques. modifier

Je vais désormais exposer les sources qui ont été utilisées afin de me permettre de répondre aux questions formulées précédemment. Ces sources sont de trois types. Elles correspondent à des démarches et des méthodes respectivement différentes.

S’imprégner du territoire. modifier

Commencer par s’imprégner du territoire me semble une démarche essentielle pour quelqu’un d’extérieur à la commune, condition préalable pour prétendre dégager une identité locale. Il s’agit d’assimiler visuellement, dans son ensemble, le territoire des Fougerêts. Il faut donc connaitre les limites communales, les divers éléments naturels, les routes, les chemins, les hameaux, l’église, etc. En fait, il faut connaitre soi-même tout ce qu’un habitant de la commune peut connaitre. L’intérêt de cette imprégnation est double. Elle m’a permis de pouvoir parler avec les Fougerêtais sans trop paraitre un étranger, mais aussi d’avoir un regard critique sur l’image de la commune et sur les éléments qui l’a compose.

C’est à partir de cette réflexion et de cette nécessité, que j’ai voulu mettre en place un inventaire du patrimoine des Fougerêts. Toutefois, j’ai pris en compte que ce n’était pas l’objectif de ce sujet. L’intérêt était plutôt de dégager une typologie du patrimoine. Cette typologie aurait pour avantage de regrouper dans de grands thèmes les différentes caractéristiques du patrimoine communal afin d’en faciliter l’analyse. Je me suis alors appuyé sur le pré-inventaire de 1982 du Service de l’Inventaire de la D.R.A.C ( Direction Régionale à l'Action Culturelle ), afin de connaitre ce à quoi les professionnels sont sensibles. Cependant, il s’agit dans ce pré-inventaire de présentations succinctes de certaines croix de chemin, de maisons, de l’église paroissiale et du mobilier liturgique.

J’ai du par mes visites compléter ce pré-inventaire pour me permettre de constituer une typologie. J’ai donc, au cours de ces promenades, étayé ce travail et progressé, c’est à dire que je me suis attaché à d’autres aspects du patrimoine des Fougerêts comme le «petit patrimoine» [1], le patrimoine naturel, le patrimoine bâti et le patrimoine ethnologique. J’ai pu, ainsi, mettre en place plusieurs fiches de dépouillements à propos de ces différents thèmes.

Cette méthode qui consiste le plus souvent à observer m’a permis ainsi de souligner les grands éléments du patrimoine, leurs forces mais aussi leurs faiblesses dont les habitants de la commune n’ont pas toujours conscience. Ces sources, issues des nombreuses promenades, tiennent une place primordiale dans l’élaboration de la typologie.

  1. Cette appellation regroupe les fours, les puits, les croix de chemin, les lavoirs.

Les visions fougerêtaises sur le patrimoine. modifier

Les entretiens.

Seule, cette première démarche ne permet pas d’aborder complètement ce qu’est le patrimoine pour les Fougerêtais, c’est à dire sur quoi se fonde l’identité locale. Je me suis attaché à récolter des témoignages afin de cerner au mieux la sensibilité des membres de la communauté.

Le patrimoine ethnologique des Fougerêts m’a toujours semblé contenir des éléments potentiellement intéressants [1]. En effet, j’ai pu retrouver dans Adolphe Orain, Van Gennep et les Sébillot, lors de mes lectures, certains éléments que j’avais pu percevoir chez les Fougerêtais que je connaissais déjà [2]. J’ai pensé alors m’appuyer, principalement, sur ce thème lors des entretiens. Cela me permettrait d’aller au-delà du patrimoine naturel et bâti.

La localisation des personnes interrogées m’a paru également être un choix important puisque le rapport aux éléments naturels n’est pas le même. Je pense que « les traditions », c’est à dire les pratiques et usages de la collectivité, sont en relations très étroites avec l’environnement naturel. Les questions préparées concernaient particulièrement les traditions calendaires, religieuses et la sorcellerie mais aussi le rapport aux éléments naturels, rivières et forêts ainsi que les activités et « les traditions » qui y sont liées.

J’ai ainsi choisi des personnes d’âges et de conditions sociales variés. Le Fougerêtais le plus jeune, soumis à un entretien, a dix-sept ans et est actuellement lycéen. La personne la plus âgée a quant à elle quatre-vingt-quinze ans, originaire des Fougerêts elle y est revenue après sa vie active. Les entretiens enregistrés sont au nombre de douze, ils forment un corpus d’environ dix heures enregistrements, et concernent autant d’hommes que de femmes. J’ai, par choix ou par défaut, rencontré plusieurs personnes en même temps, par exemple H1, F1 et F2 ou bien F4, F5 et H2. Une seule de ces femmes n’est pas originaire de la commune mais du village voisin de Glénac. La moitié de ces personnes-sources a exercé sa vie active à Redon, Rennes, Nantes ou Paris. Pour la plupart de ces personnes, je suis allé les rencontrer sans prendre rendez-vous et sans savoir si elles étaient désireuses de s’entretenir. Cette méthode a parfaitement fonctionné, et elle présente l’avantage de récolter des témoignages spontanés. J’ai aussi procédé à d’autres entretiens qui n’ont pas été enregistrés. Il s’agit le plus souvent de discussions lors de réunions ou de repas de famille où je n’avais pas le matériel nécessaire pour l’enregistrement. J’ai pu, néanmoins grâce à quelques notes, regrouper six entretiens non-enregistrés afin de les utiliser au cours de cette étude. Ils concernent également un nombre identique d’hommes et de femmes.

J’ai rencontré, lors de mes recherches, trois types d’entretiens [3]. Lorsque la personne interrogée est plutôt réservée et ne répond que brièvement, l’entretien devient directif, le questionnement doit être alors précis pour éviter des blancs. Il s’agit surtout de personnes qui disent ne plus avoir beaucoup de souvenirs. L’exemple le plus équivoque est l’entretien mené avec F4 avant l’arrivée de F5 et H2. Les entretiens directifs représentent une minorité d’entretiens réalisés puisque, en général, les personnes rencontrées avaient beaucoup de choses à transmettre.

Les entretiens semi-directifs que j’ai pu avoir, notamment avec F3, H4, H6 et H5, permettent aux interlocuteurs de s’exprimer librement et d’évoquer ce qui leur viennent à l’esprit en rapport avec le questionnement. L’avantage est de récolter des indications diverses qui peuvent être très utiles. Je vais ici retranscrire une partie de l’entretien effectué avec F3 :

Y.S : « Et les rivières, est-ce qu’elles avaient beaucoup d’importance ? » F3 : « Les marais n’étaient pas charrués, tout le monde amenait les bêtes. Jusqu’à tant que le barrage d’Arzal a été fait, la marée montait au gué de Launay et qu’est ce qu’on a bouffé des anguilles, on en avait marre. Par-dessous les grandes herbes, on péchait des petits poissons. (…) Tout le village [vivait de la pêche et il y avait des braconniers] surtout au temps de mon grand-père. Mon père [avait un surnom pour échapper aux gendarmes], l’autre c’était Pelot du Charron, un autre c’était Queuzat. (…) »

Enfin, lorsque l’interrogé monologue, j’interviens uniquement pour recadrer la discussion vers mon objectif. Je n’ai été confronté qu’à un seul cas de ce genre lors de mes recherches. H3, après m’avoir reçu, s’est assis et a commencé à évoquer sa vision du patrimoine et ses souvenirs du paysage et des gens d’autrefois. Je ne suis intervenu que pour demander quelques précisions sur certains thèmes. Ces divers témoignages m’ont permis de saisir la sensibilité des Fougerêtais autour du patrimoine de leur commune et de compléter mes informations sur ce qui me semblait être du patrimoine.


  1. Ce thème du patrimoine ethnologique est vaste. En effet, le patrimoine ethnologique « (…) cherche à montrer la cohérence de la culture et du mode de vie à travers les types d’organisation sociale, les connaissances techniques et les productions symboliques. » (Jean-François SIMON, « Ethnologie » in Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, Apogée, 2000, page 369-372.) Toutefois, dans cette étude, je ne considère ce patrimoine que sous l’angle des productions sociales.
  2. Il s’agit de l’importance du chant et de certaines croyances liées à la sorcellerie.
  3. J’indique dans la description des sources, de quel genre d’entretien il s’agit pour chaque témoignage.


Les questionnaires.

J’ai également utilisé des questionnaires pour ne pas me disperser dans cette longue quête des sources. J’ai choisi de proposer ces questionnaires à un certain type d’acteur local du patrimoine. Il s’agit des diverses associations fougerêtaises qui peuvent, me semble t-il, se targuer d’un rôle, en ce sens qu’elles interviennent ou non dans l’affirmation et la protection du patrimoine local. Ces questionnaires ont donc été envoyés aux responsables de cinq associations : l’Ecole Notre-Dame des Fougerêts, le Conseil Paroissial, l’Association de Chasse Communale Agrée, le Club de danse bretonne et le Club du Troisième Age (les Ajoncs d’Or.) Les présidents m’ont soit répondu soit proposé un rendez-vous, au cours duquel ce questionnaire a été plus ou moins complété.

Dans ces questionnaires, j’ai voulu me renseigner sur l’association elle-même (création, nombre de membres) et sur ses activités dans son domaine (généralement en rapport avec le patrimoine.) Ce questionnaire a été élaboré d’après un mémoire de maîtrise d’Histoire, sur la perception du patrimoine breton [1]. Cela m’a permis de prendre conscience de la vision du patrimoine chez ces associations locales. A fortiori, ces questionnaires ont également mis en évidence une bonne compréhension de l’ensemble du patrimoine. Les réponses fournies m’ont aussi fait comprendre que la vision et le rôle de ces associations ne pouvaient pas être étudiés séparément des particuliers car il existe un rapport évident entre la perception du patrimoine des membres, et les actions associatives.


  1. Anne-Gaëlle CHALOUNI, « La mémoire de la région »La perception du patrimoine breton, mémoire de maîtrise, Université Rennes 2, 1995, 204 pages.


Réunions et autres activités locales.

J’ai pu récolter aussi une autre vision fougerêtaise sur le patrimoine grâce aux réunions mises en place par la Municipalité et par ma participation à d’autres activités locales [1]. Il s’agit pour mes travaux d’une source très importante au même titre que les questionnaires pour les associations et les entretiens pour les particuliers. Cette présence sur le terrain présente de nombreux intérêts. J’ai eu, en effet, par exemple la possibilité de participer à une commission extra-municipale. Cette commission qui concerne le « petit patrimoine » et sa mise en valeur a été une chance pour moi, puisque j’ai pu y observer la volonté municipale. Après avoir présenté à certains membres du Conseil Municipal mes objectifs, ceux-ci ont estimé que je pouvais être utile, et inversement. Nous avons ainsi discuté du rôle de la Municipalité, de ce qu’elle voulait mettre en place dans la commune ; j’ai apporté quelques connaissances et certains résultats de mes recherches [2]. Lors de la présentation des vœux de la Mairie en janvier 2002, la Municipalité m’a ainsi offert la possibilité de présenter à l’auditoire l’objectif de cette commission, mais aussi mes travaux dans le cadre de la maîtrise. J’ai rencontré aussi de nombreuses personnes lors de la présentation par la Chambre d’Agriculture d’un replantage de haies vives en septembre 2001 et lors de la soirée de la Passion le 16 mars 2002. Lors de ces quelques activités, j’ai récolté de nombreux renseignements et contacts qui ont pu être utiles ultérieurement. Là aussi, cela m’a permis de distinguer une certaine vitalité autour de divers éléments du patrimoine.


  1. Les différentes réunions ou manifestations locales sont, dans la mesure du possible, citées dans les sources.
  2. J’ai élaboré une « Histoire des croix des Fougerêts », pour la commission extra-municipale, qui sera présentée au public lors d’une randonnée semi-nocturne, le 17 juillet 2002.


Les archives locales.

Ces sources sont les sources propres au travail d’historien. Il s’agit de documents iconographiques anciens et récents, des archives municipales, des bulletins municipaux et paroissiaux. J’ai utilisé ces sources dans la mesure où elles m’éclairent sur le patrimoine local, sur le regard que l’on y a porté autrefois ou qu’on y porte actuellement. Elles permettent d’avoir une vision d’ensemble du patrimoine local, de comprendre et de visualiser les changements, de saisir de l’extérieur quelle peut être la sensibilité et l’identité locale ; mais aussi de récolter des informations à propos d’actions patrimoniales locales notamment par la Municipalité et des membres de la paroisse.

Je me suis ainsi tout d’abord attaché à récolter le maximum de documents auprès des habitants, des associations et de la Municipalité, que ce soit d’anciennes photographies, des cartes postales, des archives sonores, les archives municipales, des bulletins paroissiaux ou municipaux. Ces sources présentent l’avantage de traiter des différents domaines du patrimoine de manière brute, le plus souvent, sans aucune analyse ou réflexion. La collecte de ces documents a été rendue possible grâce aux Fougerêtais qui ont conservé beaucoup de ces témoignages.

Les écrits, récoltés dans les bulletins paroissiaux et municipaux, sont des sources essentielles. Le bulletin paroissial, l’Echo des Fougerêts, tient une place primordiale puisque crée en 1957, bien avant les bulletins municipaux (1979), il a servi de bulletin d’information et de propagande religieuse, politique et communale. Dès les premières parutions, L’Echo des Fougerêts publie mensuellement des chroniques du chanoine Royer où cet érudit local raconte l’Histoire de la commune, ses souvenirs d’enfance et « les traditions» [1]. Même si elles présentent de nombreuses analyses et réflexions personnelles, les chroniques du chanoine Royer sont des sources sur lesquelles je me suis appuyé.

Les sources sonores permettent d’illustrer un patrimoine ethnologique, notamment oral. Les associations Dastum et le Groupement Culturel Breton m’ont permis d’avoir accès à quelques enregistrements [2]. Ces enregistrements datent du milieu des années soixante-dix au début des collectages dans les Pays de Vilaine comme le Chant de la Passion des éliminatoires de la Bogue d’Or de 1975. J’ai moi-même collecté un Chant de la Passion en mars 2002 afin d’illustrer une pratique originale toujours vivante aux Fougerêts. Les photographies anciennes et récentes, les cartes postales peuvent être des témoignages importants dans la mesure où il s’agit d’un regard instantané porté sur élément du patrimoine [3]. Je vais prendre l’exemple d’une photographie présentant la sœur d’un communiant au pied de l’if, devant l’église au début des années soixante.

On peut comprendre la scène comme l’association d’un élément patrimonial à un moment fort d’une vie personnelle et religieuse. La photographie et la carte postale permettent aussi d’observer une évolution du regard porté sur le patrimoine. Les anciennes cartes postales présentent le plus souvent les châteaux locaux de la Ville Chauve ou de la Jouardays, alors qu’actuellement elles présenteraient les marais, les landes ou bien de simples maisons « traditionnelles ». J’ai, enfin, utilisé les archives municipales pour m’approcher au mieux de la vision de la Municipalité lorsque les autres sources ne me le permettaient pas. J’ai consulté les Délibérations du Conseil Municipal afin de savoir quelle a été la réaction de celui-ci après l’incendie de l’église paroissiale en 1869 ou pour savoir quel état d’esprit régnait lors de l’Inventaire des Biens du Clergé en 1906. L’inconvénient principal rencontré lors de la consultation de ces archives municipales, c’est la multiplicité des informations. Il faut savoir exactement ce que l’on veut pour ne pas errer même si l’on peut découvrir, par hasard, quelques informations intéressantes [4].

  1. Ces chroniques ont été compilées et publiées en 1998 par Pierre Royer sous le titre Miettes d’Histoire.
  2. Dastum (recueillir en breton) est la principale structure de coordination des collecteurs en Bretagne. L’enjeu, bien plus qu’un simple archivage des traditions, est de «  (…) recréer une culture originale y compris à partir d’emprunts et d’apports étrangers. » (Extrait de la plaquette de présentation 1982.) Le Groupement Culturel Breton des Pays de Vilaine de Redon exerce le même rôle mais dans un cadre plus restreint.
  3. «  (…) la carte postale (…) correspond à une période de grandes mutations. La société, les techniques, les traditions, l’art, tout évolue à grande vitesse. Plus qu’un simple moyen de communication bon marché, la carte postale est le reflet d’une époque particulière, elle en est aussi la clef. En la suivant au long de son histoire, c’est notre propre histoire que nous suivons. » in James-D. EVEILLARD, L’histoire de la carte postale et la Bretagne, Editions Ouest-France, 1999, page 1.
  4. Je pense surtout aux relations tendues entre le Préfet et le Conseil Municipal entre 1906 et 1907.

Une critique des sources. modifier

Il me paraît maintenant nécessaire de critiquer ces sources en soulignant les problèmes de compréhensions et de crédibilités. Il existe, notamment, deux principales critiques que je me permets d’émettre.

La première de ces critiques concerne les chroniques du chanoine Royer. Ces Miettes d’Histoire m’ont été particulièrement utiles pour la connaissance de l’Histoire de la commune et des « traditions » mais leurs limites sont importantes. Tout d’abord, Jean-Marie Royer ne cite aucune de ces sources et reste souvent très difficile à comprendre. Cela m’aurait été profitable de consulter des archives ou des ouvrages, qu’il avait lui-même utilisé, afin d’en faire une éventuelle lecture plus moderne avec pour objectif un souci d’y trouver un intérêt patrimonial. Je pense à la chapelle Saint-Jacques du Pont d’Oust, aujourd’hui disparue, que le chanoine cite très souvent. Les chroniques parues dans l’Echo des Fougerêts évoquent : qu’« (…) il ne sera pas inutile de rappeler qu’elle se dressait au bas du champ qui s’étend à droite de la route des Fougerêts à Peillac, en face de la maison de Mme de Courville, au lieu-dit la Saudraie».[1] Malgré une description détaillée de la voûte, de la nef, des vitraux, des blasons et des autels, il n’y a aucune précision sur les dimensions de cette chapelle et sur sa localisation précise. Je pensais également découvrir certaines informations concernant le Chant de la Passion du Christ dans les chroniques. Malheureusement, l’érudit local ne fait aucune allusion à cette coutume religieuse aux Fougerêts alors qu’elle semble avoir marqué fortement les esprits des habitants de la commune. J’ai donc essayé le plus souvent de rechercher moi-même ses informations mais cela m’a demandé beaucoup de temps et le plus souvent je n’y suis pas parvenu.

La seconde critique qui peut être émise après consultation des différentes sources, c’est l’influence des chroniques du chanoine Royer sur les Fougerêtais. Lors des entretiens, les personnes interrogées ont souvent cité le livre publié en 1998. Ces références aux chroniques de M. Royer se font de différentes manières.

Tout d’abord, lorsque je présente mon travail, mes interlocuteurs me disent « Si vous voulez savoir des choses, allez voir le livre du chanoine » ou bien « Vous devriez lire le livre du chanoine ». Cette remarque est la plus récurrente et j’ai pu l’observer notamment dans les témoignages de F3, F9 et H9. Pour les Fougerêtais qui s’intéressent à l’Histoire de la commune, c’est l’ouvrage de référence. Le témoin F7, qui a écrit certains articles concernant les croix de chemin dans l’Echo des Fougerêts, m’a également expliqué que son désir était de réécrire ce livre mais qu’il manquait de temps pour l’instant. Cependant, l’influence de Miettes d’Histoire s’observe particulièrement au cœur même des témoignages. Après la retranscription de ces entretiens, j’ai pu comparer certaines informations avec celles présentes dans les chroniques :

F3 : « L’histoire du Fumoux, ils appelaient ça, c’était une main qui avait un tison de feu. Si par malheur, il y en avait un qui l’appelait, il venait allumer sa pipe. (…) » Miettes d’Histoire: «  Le Fumoux (…) Une main qui s’avance dans les ténèbres à hauteur d’homme, tenant comme une torche enflammée. Qu’on ne s’avise pas de le braver en disant « Fumoux, viens allumer ma pipe » ! » [2]

Le même phénomène se répète lorsque l’on évoque le retable du maître-autel de l’église paroissiale. Les Fougerêtais suivent l’opinion du chanoine qui y voit une œuvre d’artistes italiens. Ces similitudes peuvent me conduire à émettre deux hypothèses. Ces exemples peuvent illustrer l’assimilation totale par les Fougerêtais des chroniques du chanoine ou bien l’existence d’une véritable transmission orale.

  1. Jean-Marie ROYER, Miettes d’Histoire, 1998, page 294.
  2. Jean-Marie ROYER, Miettes d’Histoire, 1998, page 228.

Les problèmes et les avantages de l’étude du patrimoine local. modifier

Les problèmes posés par l’étroitesse des sources et du sujet.

Dans ce travail préliminaire qui est de recueillir le maximum de données, la difficulté consiste à ne pas faire l’amalgame entre la bibliographie et les documents bruts. Il existe, au point de vue local où d’un pays, des ouvrages qui traitent des données du terrain mais s’y glissent généralement une réflexion, une analyse. L’utilisation de la bibliographie permet uniquement de donner un sens, une explication aux sources. J’ai ainsi utilisé Adolphe Orain et les autres folkloristes, comme Paul Sébillot ou Van Gennep, exclusivement dans la mesure où leurs travaux sont nécessaires et utiles pour comprendre une société « traditionnelle » et sa culture. Cette difficulté a pu me désarçonner aux premiers abords mais lorsque j’ai commencé les entretiens avec les Fougerêtais et que mes promenades se sont multipliées, j’ai pu faire cette différence essentielle entre la bibliographie et les sources.

Ma réflexion doit donc se baser sur ce que j’ai puisé des entretiens avec les Fougerêtais, des bulletins locaux d’informations et de mes observations. Ces diverses sources ont pour objectif de me permettre, le plus objectivement possible, de répondre aux questions posées. Toutefois, la recherche historique ne peut prétendre à une réelle objectivité en raison des choix de l’historien, particulièrement des sources sur lesquelles il s’appuie, et de ce qu’il en retire. J’ai choisi, par exemple pour m’approcher au plus prêt de la sensibilité des Fougerêtais, de m’appuyer sur des témoignages iconographiques, écrits et oraux de toutes époques. Mais ces sources ont pour principal inconvénient d’être une vision quelque peu narcissique. Les témoignages ont effectivement tendance à montrer les éléments patrimoniaux auxquels sont sensibles les habitants de la commune et de mettre en évidence des originalités, les raretés.


Les méthodes que j’ai utilisées vont aussi dans ce sens ; en demandant aux Fougerêtais ce qui leur semble avoir une importance, je recherche moi-même une certaine subjectivité. Je pense que si les habitants des Fougerêts ont une grande estime du patrimoine de leur commune, mon travail en sera teinté. Le véritable problème est donc de maîtriser cette dérive en la relativisant. Il s’agit d’affirmer que le patrimoine de la commune n’est malgré tout ni unique ni tout à fait original ; mais au contraire qu’il est typique et qu’il s’intègre dans une étude du patrimoine breton.

Les avantages d’une étude locale du patrimoine de Bretagne.

Il s’agit d’exposer ici ce qu’un tel sujet a pu m’apporter personnellement. Au cours de cette étude sur le patrimoine des Fougerêts, j’ai pu apprendre à la fois des habitants eux-même mais aussi des éléments du patrimoine. Les sources m’ont permis de mieux comprendre les êtres humains, leurs sensibilités, ce que peut être une identité et son importance ; mais aussi de m’ouvrir, au point de vue culturel, à la nature, à l’habitat rural et paysan et au fond traditionnel local.

Les résultats de mes recherches sur le patrimoine des Fougerêts m’ont permis, en premier lieu, de construire ma propre identité en fonction de celle des Fougerêtais. En effet, si je connais maintenant peut-être mieux Les Fougerêts que ma commune d’origine, j’ai pu y poser un regard différent et neuf. Je sais désormais ce que peuvent signifier les éléments auxquels je me réfère. Ce manque d’intérêt général à propos du patrimoine de Saint-Perreux a plusieurs origines dont, malheureusement, mon propre désintéressement. Si j’ai pu moi-même parvenir à m’intéresser et à comprendre certaines choses, j’espère que d’autres y parviendront, et alors là, j’aurai atteint mon objectif.

J’ai appris la nécessité d’écouter ceux qui ont quelque chose à dire où à transmettre, d’échanger des idées et de débattre. Il s’agit d’offrir un peu de son temps à des hommes et femmes pour apprendre d’eux et pour les comprendre. Il ne s’agit pas uniquement de s’imprégner d’un paysage mais aussi des mentalités afin de s’enrichir individuellement. Mon travail, je l’espère, restituera ces divers apports pour participer à un enrichissement collectif, que la communauté est en droit de bénéficier. Il s’agit d’une façon de remercier tous ceux qui ont participés, plus ou moins indirectement, à la réalisation de cette étude. Cette année de recherches m’a permis également de perfectionner mes connaissances et ma méthode sur de nombreux éléments du patrimoine. Je ne pense pas avoir appris de nouvelles choses mais il s’agit plutôt d’avoir approfondi certaines notions et d’avoir pu y voir un intérêt. Je pense par exemple aux relations entre la nature et l’habitat, entre la nature et les activités économiques. Ces relations m’ont toujours paru évidentes sans réel besoin d’argumentation, mais j’ai du dans cette étude y réfléchir plus longuement et dégager ces arguments nécessaires à un travail scientifique. Je me suis aussi intéressé au Gallo qui est finalement devenu à mes yeux beaucoup plus qu’un patois ou qu’une sous-langue. En effet, ce parler m’apparaît aujourd’hui comme un élément fort de ce patrimoine d’une commune de Haute-Bretagne.