Pas de bile !Flammarion. (p. 21-24).

GERMES


Le bouillant Achille, comme chacun sait, s’était nourri, dans sa jeunesse, de la moelle des lions. Cette coutumière alimentation lui communiqua un courage dont, par la suite, il donna maintes preuves.

C’était là le premier pas d’une théorie d’adaptation qui ne demandait qu’à marcher : elle marcha.

L’effarante méthode du papa Brown-Sequard n’est qu’un cas particulier dans cet ordre d’idées.

Le quidam, quotidien mangeur de viande de tigre ou de panthère, devient à bref délai le plus cruel des êtres.

Repaissez-vous fréquemment de porc suranné, et je ne vous donne pas vingt minutes pour donner toutes les marques extérieures de la sénile saligauderie.

Un militaire qui s’adonnerait volontiers à la dégustation de cœurs de lièvres serait vite impropre au métier des armes, mais s’il en mangeait aussi les pattes (des lièvres, pas des armes), on pourrait l’utiliser à la communication rapide des dépêches.

Je pourrais multiplier les exemples à l’infini ; ce n’est pas que cela serait sale, mais cela tiendrait de la place, laquelle m’est comptée, farouchement.

Pas de règle sans exception pourtant.

Ainsi, moi :

Si on veut me faire plaisir, dans les maisons où on m’invite, on n’a qu’à m’offrir un joli maquereau sur le gril. Eh bien, je ne me souviens pas d’avoir, sous aucun prétexte, accepté un sou d’une femme !


Tout ce préambule pour vous conter l’histoire de ces gens, bien tranquilles jusqu’alors…

Arrivés à l’improviste chez un ami rural, ils se mirent à table, sans façon, devant une omelette improvisée (par une bonne nouvellement venue, notez ce détail) et d’autres mets dont la nomenclature ne ferait qu’allonger ce récit (et j’ai dit plus haut que la place m’est comptée, farouchement).

Ces braves gens n’eurent pas plutôt consommé l’omelette, que la cristallerie de l’hôte et ses objet mobiliers volèrent dans l’espace, projetés violemment, sans raison apparente, par les invités.

Ces derniers ne s’en tinrent pas là… Mais le récit de ces violences… (Et j’ai dit plus haut…)

Il était tout simplement arrivé, que la bonne (nouvellement venue) avait composé l’omelette avec des œufs provenant d’un poulailler spécialement affecté à des volailles de combat, primées dans tous les concours d’Angleterre et de Flandre.

Il est bizarre, tout de même, de penser que, dans un de ces œufs, dans un jaune tranquille, dans un blanc peu inquiétant, mijotent des germes de rosserie, d’hostilité, de meurtre.

C’est drôle la nature !