Paroles de Noël Parfait à ses concitoyens

Paroles de Noël Parfait à ses concitoyens
Paroles de Noël Parfait à ses concitoyensImp. DurandTroisième série. 1881-1885. (Septembre 1885.) (p. 1-8).


I

AUX ÉLECTEURS

DE LA PREMIÈRE CIRCONSCRIPTION

DE L’ARRONDISSEMENT DE CHARTRES

7 août 1881


Mes chers Concitoyens,

En venant vous demander le renouvellement du mandat dont votre confiance m’a déjà quatre fois investi, je crois n’avoir pas besoin de vous faire une profession de foi. Vous me connaissez tous de longue date, et vous ne m’avez jamais connu que républicain. Jour à jour, vous avez pu me suivre, j’ose dire dans l’unité de ma vie politique, à laquelle je me suis toujours efforcé d’imprimer une ligne droite et libérale en même temps que prudente et pratique.

Telle a encore été ma règle de conduite durant la législature qui va finir. J’ai associé mes votes à ceux du groupe considérable de la Chambre qu’on appelle la gauche républicaine, et je suis un des signataires du compte rendu publié par son bureau à la veille de la période électorale. En émettant ces votes, que la presse locale a successivement enregistrés et commentés, j’ai eu la conscience de répondre au vœu de la majorité de mes commettants. Si je me suis trompé, le scrutin jugera.

Quoi qu’il en soit, j’ai ma part, modeste part, dans tout ce qu’a fait d’important la Chambre des 363, cette Chambre qui, par son énergique attitude, a complété la défaite des hommes du 16 mai, et assis la République sur des bases inébranlables.

Cette victoire obtenue, elle s’est mise à sa tâche législative et réformatrice ; et, touchant aujourd’hui à la fin de son mandat, elle se retire après avoir, notamment :

Concouru a élever au siège de la Présidence l’intègre patriote, le vénéré citoyen Jules Grévy, et provoqué le retour à Paris des pouvoirs publics ;

Affranchi de toute entrave la liberté de la presse et la liberté de réunion ;

Voté les lois établissant la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’instruction primaire, et déchargé les communes des frais de la gratuité ;

Révisé les lois concernant les titres de capacité exigés des instituteurs, et soumis à la loi commune les congrégations enseignantes ; Augmenté le nombre des écoles d’arts et métiers, développe les écoles professionnelles et industrielles, et rétabli l’institut agronomique ;

Porté à quatre-vingt-dix millions le budget de l’instruction publique, qui n’était que de vingt-quatre millions sous l’Empire ;

Poursuivi la réforme de la législation de l’armée et la réorganisation des forces défensives du pays ;

Réduit, dans un esprit d’égalité, les dispenses absolues du service militaire que la loi du recrutement accordait à des citoyens valides, c’est-à-dire aux instituteurs et aux élèves ecclésiastiques ;

Amélioré, dans une large mesure, la situation d’activité et de retraite des officiers et des soldats ;

Augmenté un grand nombre de petits traitements des employés civils de l’État ;

Considérablement accru la dotation des chemins vicinaux ;

Pourvu, grâce à l’état prospère de nos finances, qui ne craint aucune comparaison, à la colossale entreprise de la construction de douze ou quatorze mille kilomètres de chemins de fer, et à l’exécution des grands travaux que nécessitent nos routes nationales et nos voies navigables ;

Opéré, malgré toutes ces augmentations de dépenses, des dégrèvements d’impôt montant à près de trois cents millions ;

Réglé d’une façon plus équitable le régime des patentes ;

Voté, sur le rapport d’Emile Labiche au Sénat, et de Pol Maunoury à la Chambre, la loi relative aux chemins ruraux, ainsi que plusieurs autres lois que doit comprendre le Code rural ;

Entièrement refondu le tarif général des douanes ; et, si l'agriculture n'a pas obtenu, par cette dernière loi, tous les relèvements qu'elle réclamait en faveur de ses produits, du moins ceux-ci resteront-ils en dehors des traités de commerce, qui ne sont revisables qu'à de longs délais ;

Enfin, par article additionnel à la dernière loi de finance, nous avons voté la création d'une caisse spéciale pour les dégrèvements à effectuer en faveur de l'agriculture.

Voilà les principaux actes qu'il faut mettre au crédit de la Chambre expirante.

Elle laisse néanmoins beaucoup à faire à la Chambre future, celle-ci n'aurait-elle qu'à réaliser les nombreux projets de réforme élaborés par nos Commissions, réclamés par l'opinion publique, et qui restent en suspens.

Les élections du 21 août auront donc une influence considérable sur l'avenir de notre cher pays. Heureusement, rien ne contrarie aujourd'hui l'expression libre et sincère du suffrage universel.

Le scrutin va s'ouvrir au milieu du calme intérieur le plus profond, d'une paix internationale que ne sont pas faits pour compromettre les troubles suscités par des bandes de fanatiques dans notre colonie algérienne.

Votez donc en toute tranquillité d'esprit, mes chers concitoyens. Point d'abstention ! Qu'ici et partout les électeurs s'empressent autour des urnes, et qu'il en sorte une majorité républicaine nombreuse, compacte, fermement résolue à travailler, de toutes ses forces réunies, à la prospérité et à la grandeur de la patrie française.

Vive la liberté ! vive la République !

NOEL PARFAIT.

Chartres, le 7 août 1881.


II

INAUGURATION

DE L’USINE À GAZ

ET DU

NOUVEL ÉCLAIRAGE

DE LA VILLE D’ÉPERNON


9 octobre 1881


Messieurs et chers Concitoyens,

Le Conseil municipal d’Épernon, fidèle interprète du sentiment populaire, a voulu que l’inauguration de l’éclairage au gaz de cette pittoresque et aimable ville, et l’entrée en possession de l’usine génératrice du gaz fussent l’objet d’une fête publique, qui en marquât solennellement la date.

Le Conseil a été bien inspiré : car toute réforme tendante à l’accroissement du bien-être commun, tout progrès accompli dans ce but doit être un sujet de réjouissance pour une population républicaine.

Or n’est-ce pas un important progrès matériel, que l’application du gaz, non seulement à l’éclairage des villes et des habitations, mais encore aux usages domestiques et aux multiples besoins de l’industrie ?

On reconnaît là un des innombrables bienfaits dont le monde civilisé est redevable au génie moderne, à ce XIXe siècle, si fécond en inventions et en découvertes de toute sorte, aussi étonnantes qu’elles sont utiles à l’humanité ! Oui, le siècle où nous vivons est, sous ce rapport, un siècle incomparable ; car jamais la science n’avait à ce point pénétré les secrets de la nature, ni obtenu, de ses travaux d’investigation, des fruits si merveilleux et des résultats si pratiques.

La cérémonie à laquelle vous avez bien voulu nous convier, Monsieur le maire, au nom de vos collaborateurs et au vôtre, est un hommage implicite rendu à l’admirable mouvement scientifique de notre époque. Vous lui avez emprunté une de ses forces, à ce mouvement sans égal, en créant l’usine dont nous avons admiré tantôt les heureuses dispositions ; ce foyer d’où le gaz jaillira, chaque soir, pour venir illuminer votre ville, en couronnant de ses lueurs le monument patriotique qui la domine.

Si vous n’avez pas réalisé plus tôt cette précieuse amélioration, on en connaît les motifs, et ils sont à votre honneur. C’est qu’avant de perfectionner chez vous la lumière physique, vous teniez à ce que la lumière intellectuelle y reçût la plus large expansion possible, et que vous avez alors engagé temporairement vos ressources dans la construction d’une école primaire de garçons et d’une salle d’asile qui peuvent être citées comme des modèles d’installation.

Le moment où vous greviez votre budget dans cet intérêt de premier ordre était d’autant plus propice, qu’en même temps arrivait à la direction de votre école un instituteur que mes paroles vont sans doute froisser dans sa modestie, un maître dont la compétence et le dévouement professionnels vous donnaient la certitude que vos sacrifices ne seraient point stériles, que les élèves confiés à ses soins seraient instruits à devenir de braves et honnêtes gens, des hommes utiles, des citoyens tels que la République a besoin d’en avoir.

L’événement n’a pas trompé votre attente ; et, de même que cette austère et illustre Romaine qui montrait ses enfants comme la seule parure digne d’elle, la ville d’Épernon, en montrant les siens, peut dire à son tour : « Voilà mon luxe ! voilà mes ornements et mes joyaux ! »

Poursuivez, Messieurs, avec le même succès, la tâche réformatrice que vous avez entreprise. Donnez-nous bientôt une école de filles égale à celle des garçons, et votre administration laissera de durables souvenirs, n’eût-elle atteint que ce double but :

De la lumière à la cité, et des lumières à ses enfants !