Parnasse des dames/Tome 03/Marseille d’Altoviti

Traduction par Fatné de Morville.
Parnasse des dames, Texte établi par Edme-Louis Billardon de SauvignyRuault3 (p. 38-40).

MARSEILLE D’ALTOVITI.

PHILIPPE d’Altoviti d’une maiſon illuſtre de Florence, premier Conſul d’Aix en 1550, & Renée de Rieux, Baronne de Caſtellanne & de Château-neuf, donnèrent la naiſſance à la Demoiſelle d’Altoviti, qui fut tenue ſur les fonts de Baptême par la Ville de Marſeille. Il s’éleva une conteſtation entre Philippe ſon père & Henri d’Angoulême, Grand-Prieur de France & Gouverneur de Provence, tous deux s’étant attaqués ſe poignardèrent.

Marſeille d’Altoviti cultiva la Poéſie aſſez pour faire voir qu’elle avoit le talent des Vers ; mais trop peu pour ſe faire une réputation. Il ne reſte d’elle qu’une petite Ode à la louange de Louis Bellaud de la Bellaudière, & de Pierre-Paul de Marſeille, Reſtaurateurs tous deux de la Poéſie Provençale.

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STANCES.

Nul n’aura dans le Ciel partage,
S’il n’a chanté par l’Univers
Le rare Phoenix de notre âge,
Paul & Bellaud unis en Vers.


Mercuriens, diſers Poètes,
Enfans des neuf Muſes chéris ;
Je ſacre aux lauriers de vos têtes
Deux fleurons de mirthe choiſis.


Atropos a voulu diſſoudre
Un couple d’amis ſi très-beau,
Mettant Louis Bellaud en poudre
Sous le froid marbre du tombeau.


Mais de quoi lui ſert ſon envie,
L’amour a dompté ſon effort ;
Car Paul lui redonne la vie
Malgré la cruauté du ſort.

Elle mourut à Marſeille l’an 1606, âgée de cinquante-ſix ans. Son Épitaphe ſe liſoit il n’y a pas encore long-tems dans l’Égliſe des grands Carmes, elle eſt de Pierre de St. Romuald, Feuillant.

Le jour étoit couché ſous l’ombre,
Quand la Mort au viſage ſombre,
Quittant le ſéjour de la nuit,
Ce fut des Muſes la dixième
Et des Grâces la quatrième,
Marſeille, qu’elle nous ravit.
Mais tout le triomphe & la gloire
Qui naquit de cette victoire
De rien ou de peu lui ſervit.
Elle eut beau réduire en pouſſière
Le corps ſous la tombe arrêté,
L’ame s’envola toute entière
Au ſein de l’immortalité.