L’Année terrible/Paris diffamé à Berlin

L’Année terribleMichel Lévy, frères (p. 56-57).


                          II

Pour la sinistre nuit l’aurore est un scandale ;
Et l’Athénien semble un affront au Vandale.
Paris, en même temps qu’on t’arnaque, on voudrait
Donner au guet-apens le faux air d’un arrêt ;
Le cuistre aide le reître ; ils font cette gageure,
Déshonorer la ville héroïque ; et l’injure
Pleut, mêlée à l’obus, dans le bombardement ;
Ici le soudard tue et là le rhéteur ment ;
On te dénonce au nom des mœurs, au nom du culte ;


C’est afin de pouvoir t’égorger qu’on t’insulte,
La calomnie ayant pour but l’assassinat.
O ville, dont le peuple est grand comme un sénat,
Combats, tire l’épée, ô cité de lumière
Qui fondes l’atelier, qui défends la chaumière,
Va, laisse, ô fier chef-lieu des hommes tous égaux,
Hurler autour de toi l’affreux tas des bigots,
Noirs sauveurs de l’autel et du trône, hypocrites
Par qui dans tous les temps les clartés sont proscrites,
Qui gardent tous les dieux contre tous les esprits,
Et dont nous entendons dans l’histoire les cris,
À Rome, à Thèbe, à Delphe, à Memphis, à Mycènes,
Pareils aux aboiements lointains des chiens obscènes.