Imprimé au Devoir (p. 165-166).

LE ROUET DE LA VIE


Que files-tu,
Jeune fille, que files-tu ?
À la porte de ta chaumière,
Dans les parfums et la lumière,
Que files-tu, sur ton rouet,
Tout vieillot et tout désuet,
Belle fille aux pâleurs de cierge ?
— Je file mon voile de vierge !…



Que files-tu,
Jeune femme, que files-tu ?
Quelle est cette flamme divine
Qui t’environne et t’illumine,
Et, dans les soirs tout parfumés,
Quels rêves inaccoutumés
Font battre ton cœur, sous ta blouse ?
— Je file mon voile d’épouse !…


Que files-tu,
Vieille femme, que files-tu ?
Sous ta main rebelle qui tremble,
Quel fil mystérieux s’assemble ?
Que fais-tu donc, courbant le front,
Vieille femme au regard profond,
Aux yeux ruisselants comme un fleuve ?
— Je file mon voile de veuve !…