Imprimé au Devoir (p. 155-156).

LA VIEILLE TANTE


C’était une très vieille fille, à tête blanche,
Aux longs cils clignotants, aux lèvres sans couleur,
Qui parlait en posant les deux mains sur ses hanches,
Et dont le rire sourd n’avait plus de chaleur.

Née au temps où les morts se parlaient sur les grèves,
Où les gais « fi-follets » dansaient au fil de l’eau,
Sa mémoire gardait les contes et les rêves
Dont cet âge naïf entoura son berceau…


Elle connaissait maints secrets, maintes tisanes,
Et s’épeurait des bruits que le vent fait dehors ;
Elle savait choisir les herbes des savanes,
Et craignait les « quêteux », « car ils jetaient des sorts »…

Souvent, nous l’avons vue au reflet de la lampe,
Frileuse, et redoutant les grands froids de l’hiver,
Avec son vieux bonnet de lame sur la tempe,
Lire en faisant tourner les pages à l’envers !…

Cependant, nous l’aimions, et, dans notre tendresse,
Survivent à jamais, en regrets enchantés,
Les récits dont elle a charmé notre jeunesse,
Et les airs d’autrefois qu’elle nous a chantés !…