Imprimé au Devoir (p. 119-120).

L’ÉTABLE


— « C’est l’heure de donner à manger à nos bêtes »,
Dit le maître. Aussitôt on s’est mis au travail.
L’un donne de la paille au plus petit bétail
Dont on voit s’agiter, au fond, les jeunes têtes.

Puis un autre est allé chercher, sur le fenil,
La ration de foin vert, et sentant la plaine,
Pour la vache au poil roux, l’agnelle à longue laine,
Et la vieille jument dont le poulain hennit.


Alors, ces bons chevaux, aux fortes encolures,
Et les bœufs somnolents dont les yeux semblent verts,
Lèvent leur tête large, aux naseaux entr’ouverts,
Et les chaînes d’acier roulent sur les barrures !…

Ensemble, on les entend ruminer doucement.
Ils mangent. Leur bonheur a réjoui l’étable.
La toile d’araignée, au plafond est semblable
Aux cordes que l’on voit aux mâts d’un bâtiment.

De ci, de là, l’on voit paraître entre les crèches,
Un front rouge et des yeux d’un bleu resplendissant :
C’est la vache de race, et le cheval pur sang
Dont le regard s’emplit d’un désir d’herbes fraîches !

Maintenant le troupeau s’apaise. Un air de paix
S’étend partout, suivi de l’ombre souveraine ;
Et les bêtes, l’œil fixe et limpide, reprennent
Ce rêve intérieur qui ne finit jamais !…