Imprimé au Devoir (p. 105-106).

LE PAIN


Ma mère a pris de la farine blanche,
De l’eau, du sel, des tiges de houblon,
Puis de son bras a retroussé la manche,
Et, dans la huche, a mis le levain blond.
Alors s’est fait, dans l’ombre, sans obstacle,
Le changement merveilleux et divin,
Qui, de nos blés, fait sortir, ô miracle !
Le pain !…

À l’heure où l’ombre envahit la campagne,
Et met un voile à la face du jour,
Le vagabond que la nuit accompagne,
S’en vient frapper, chez nous, de son poing lourd.
Bien las, bien las de la route suivie,
Il vient s’asseoir près du feu de sapin,
Et son regard implore, avec envie,
Du pain !…


Sur nous, si vous laissez le sort s’abattre,
Si le malheur s’acharne à notre toit,
Si nous devons, ô Seigneur, nous débattre
Contre la mort, la misère ou le froid,
Nous bénirons, ô Maître redoutable,
Nous bénirons, quand même, votre main,
Si vous donnez encore à notre table
Du pain !…