Imprimé au Devoir (p. 93-94).

CHANTE


Tu souffres ; le dard de l’amour
T’a fait, au cœur, une blessure,
Tu pleures ; la misère, un jour,
A mis en toi sa meurtrissure ;
Plus de bouleau, plus de sapin,
Pour nourrir ta flamme mourante,
Dans ton armoire plus de pain :
Chante !…

Les épis riaient dans tes champs ;
Ta moisson future était belle ;
Tes gerbes doraient les penchants,
Et brillaient dans l’aube nouvelle.
Mais les ouragans sont venus,
Broyant ta moisson grandissante,
Et voilà que tes champs sont nus :
Chante !…


Chante quand un chagrin vainqueur
T’arrache des cris de souffrance,
Chante ! Le chant met dans le cœur
Des divins rayons d’espérance !…
En attendant l’éternité
Brave la douleur opprimante ;
Jette ton cri de liberté !
Chante !…

Qu’importe l’ombre sur tes pas,
Qu’importe la vie et sa tâche ;
Avance et ne blasphème pas :
Celui qui blasphème est un lâche…
Comme un moussaillon du flot bleu,
Que berce la vague méchante,
En t’en allant au port de Dieu :
Chante !…