Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 145-146).

SÈB ou SEV.

(cronos, saturne.)
Planche 27 (I)

Nous avons déja fait connaître les formes variées du dieu Sovk, Sévek, Sébék, Sékeb, qu’honoraient spécialement les habitants du nome Ombite, ainsi que les relations marquées de ce personnage mythique avec le temps en général et le cours du Soleil en particulier : Sévék, identifié avec cet astre sous un certain point de vue, appartenait à la classe des dieux célestes : c’était la forme primordiale du Saturne égyptien qui, par son incarnation sur la terre, revêtant des formes matérielles, devint une des divinités de la troisième classe, celle des dieux terrestres (ἐπιγείους) issus des dieux célestes. Le Saturne égyptien, dieu incarné, l’un des dynastes qui, disait-on, avait régné sur l’Égypte dans les temps primitifs et avait laissé le trône à ses enfants Osiris et Isis, prenait le nom de Sév, Siv ou Sèv, et celui de Kèb ou Kév (lég. no 6) ; ce qui, dans les monuments originaux, distingue habituellement la forme terrestre ou secondaire de la forme céleste ou primordiale adorée sous les noms de Sévék et Sékeb. Les légendes hiéroglyphiques sculptées à côté des images de Sévék dans le grand temple d’Ombos, constatent fréquemment du reste l’identité d’essence de ces deux formes divines.

L’orthographe du nom propre du Saturne terrestre varie d’un monument à l’autre, et souvent aussi dans une même inscription. Ce nom étant phonétique, se compose de l’œuf et de la jambe (lég. no 2), ou de l’oie et de la jambe (lég. no 3), ce qui donne les éléments ⲥⲃ, ⲥⲩ, ⲥⲟⲩ. D’un autre côté on l’exprimait symboliquement par l’image d’une étoile suivie du déterminatif figuratif (lég. no 4) ou symbolique (lég. no 5) des noms propres de divinités. Le rapprochement de ces deux noms nous conduit naturellement à la prononciation du nom phonétique : si l’on considère en effet que l’étoile, ⲥⲓⲟⲧ, siou en langue égyptienne, fut l’emblème spécial du temps[1], et que le mot temps, dans cette même langue, ⲥⲏⲩ, sèv ou siv en dialecte thébain et ⲥⲏⲟⲩ, séou ou siou en dialecte memphitique, offre avec le mot ⲥⲓⲟⲩ, (siou) étoile, une grande analogie d’orthographe et de prononciation, on comprendra d’autant mieux la présence de l’étoile dans le nom symbolique du Saturne égyptien, et nous reconnaîtrons l’ancienne orthographe du mot ⲥⲏⲩ, sév ou siv, le temps, dans les légendes hiéroglyphiques phonétiques (nos 2 et 3) ; seb, sév ou siv, nom ordinaire du Cronos ou Saturne des mythes sacrés de l’Égypte.

Le dieu Sév, tel que le présente notre planche 27 (no 1), fut souvent reproduit sur les monuments de sculpture égyptienne : la tête du dieu est couverte du diadème Toscher emblême de sa domination sur la région inférieure ou le monde matériel, qui se combine en même temps avec la coiffure Otf, commune à plusieurs autres divinités. Un bas-relief du temple de Philæ[2] représente le Saturne égyptien ainsi caractérisé, recevant avec son épouse Natphé l’encens que leur présente Ptolémée Philométor ; dans un autre tableau du temple de Kalabsché, Sév portant ces deux coiffures combinées au-dessus du klaft ou coiffure ordinaire des Égyptiens, a été figuré assis avec Natphé et le jeune dieu Manrouli leur arrière-petit-fils. Enfin un sarcophage de pierre calcaire appartenant au Musée du Louvre et couvert de riches et nombreuses décorations sculptées avec soin, nous montre le dieu Sév debout, levant sa main droite en signe de protection, et tenant dans sa main gauche une grande faux droite, sorte d’arme ou d’instrument qui, rappelant la harpé du Cronos des Grecs, et la faux du Saturne italiote, fournit une nouvelle preuve des nombreux emprunts faits par les peuples de l’Occident aux mythes sacrés et aux formes du culte des anciens Égyptiens.

La légende (n° 1) qui accompagne le dieu, ⲥⲃ ⲡⲧϥⲑ ⲛⲛⲧⲣ, signifie Sév le père des dieux ; mais ce titre ne doit s’entendre que d’une manière restreinte, comme nous l’établirons dans un autre article relatif à ce même personnage mythique.


Notes
  1. Άστήρ παρ’Αίγυπτίοις γραφόμενος… σημαίνει ΧΡΟΝΟΝ. Horapollon, liv. II, § 1.
  2. Bas-relief décorant le fût de la huitième colonne de l’édifice de droite après le grand pylône.

——— Planche 27 (I) ———