Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 5-6).

LE BÉLIER,

EMBLÊME VIVANT D’AMON-RA.
Planche 2 bis

« Les temples égyptiens, dit Clément d’Alexandrie, leurs portiques et les vestibules sont magnifiquement construits ; les cours sont environnées de colonnes ; des marbres précieux et brillant de couleurs variées en décorent les murs, de manière que tout est assorti ; les naos resplendissent de l’éclat de l’or, de l’argent, de l’électrum, et des pierres précieuses de l’Inde et de l’Éthiopie ; les sanctuaires sont ombragés par des voiles tissus d’or ; mais si vous avancez dans le fond du temple, et que vous cherchiez la statue du dieu auquel il est consacré, un pastophore ou quelque autre employé du temple s’avance d’un air grave en chantant un pæan en langue égyptienne, et soulève un peu le voile, comme pour vous montrer le dieu. Que voyez-vous alors ? un Chat, un Crocodile, un Serpent indigène ou quelque animal de ce genre ! Le dieu des Égyptiens paraît….. c’est une bête sauvage, se vautrant sur un tapis de pourpre ! » C’était, en effet, un animal vivant que renfermaient tous les sanctuaires des temples de l’Égypte ; mais ce qui a si fort excité l’indignation du philosophe alexandrin paraissait, au contraire, aux yeux des Égyptiens une chose bien simple et bien naturelle. Ils pensaient qu’il était contraire au bon sens et à la religion d’adresser des prières et des offrandes à une image purement matérielle de la divinité, et de la représenter dans le sanctuaire par un être totalement privé de son souffle créateur[1]. C’est pour cela qu’ils choisirent des êtres vivants dont les qualités distinctives rappelaient indirectement celles qu’on adorait dans la divinité même. Chaque dieu eut son animal sacré, qui devint ainsi son image visible dans les temples de l’Égypte. D’ailleurs, les anciens Égyptiens ne traitaient point les animaux avec autant de mépris que le font les peuples modernes ; ils croyaient, au contraire, que les animaux étaient d’une même famille, et en lien de parenté avec les dieux et les hommes[2] ; la loi leur ordonnait de les respecter, et même de les nourrir[3].

Le bélier était le symbole vivant du Démiurge égyptien, du premier des dieux, Amon ou Amon-ra, le Jupiter-Ammon des Grecs. On le nourrissait principalement dans les sanctuaires de Thèbes et de Saïs[4] ; car l’une de ces villes était consacrée à Ammon, et l’autre à Néith, la première émanation d’Ammon, déesse qui, selon toute apparence, était aussi figurée, comme son père, avec une tête de bélier, ainsi qu’on la trouve sur les bas-reliefs des temples de la Nubie, publiés par M. Gau[5] ; mais malheureusement il n’a point dessiné les légendes hiéroglyphiques de cette déesse criocéphale. Les médailles des nomes Diopolite, Hypsélite, Xoïte et Maréote prouvent aussi que le bélier fut l’animal sacré de ces préfectures égyptiennes.

Un nombre immense de monuments nous offrent la représentation du bélier, symbole d’Ammon. La figure coloriée de cet animal, gravée dans notre planche, se trouve sur une momie du cabinet de M. Durand, momie qui, comme la plupart de celles qu’on rapporte de Thèbes, offre la représentation de cet emblème vivant d’Ammon, dieu éponyme de cette ville. Le bélier sacré, paré d’un collier et d’une belle housse, est debout sur un autel dans un naos ou chapelle richement décorée. Sa tête est ornée du disque et des deux longues plumes de couleurs variées, qui surmontent la coiffure du dieu Ammon lui-même, soit androcéphale, soit criocéphale[6]. L’espèce de grand éventail qui, dans les bas-reliefs historiques, n’est porté qu’à la suite des dieux ou des rois, est placé à côté du bélier d’Amon-Ré, sur une petite stèle égyptienne qui représente cet animal sacré, debout sur un autel, et adoré par un Égyptien présente des offrandes. Cette stèle, trouvée en Égypte par M. Thédenat, est maintenant en ma possession.

Le bélier sacré n’étant qu’une image symbolique d’Ammon, reçoit le même nom et les mêmes titres que le dieu lui-même ; la légende Amon-Ré, roi des Dieux, retracée sur notre planche, accompagne le bélier sculpté sur ma petite stèle. Dans une des stèles du comte de Belmore, l’animal sacré porte celle d’Amon-Ré, seigneur des régions du monde[7]. Enfin, un nombre très-considérable de scarabées et de petites amulettes de terre emaillée, présentent l’image du bélier, soit debout, soit accroupi, mais toujours décoré du nom ou des titres honorifiques du dieu Amon-Ré, dont il n’est que le symbole.


Notes
  1. Plut., de Iside et Osiride.
  2. Porphyr., de Abstin. lib. II.
  3. Hérodote, liv. II, §. 65.
  4. Clément d’Alexandrie, Admonit. ad gent. pag. 25, B. C.
  5. Monuments de la Nubie, pl. 21.
  6. Suprà, pl. 1 et 2.
  7. Voyez la pl. 1, lég. no 1.

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