Des presses de Vromant & Co, imprimeurs (p. 33-34).
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IL SERVIT SON PAYS…

I


Il servit son pays sur les marches du Trône,
Mais, plus grand qu’autrefois dans le faste des Cours,
Il gît, enveloppé du drap noir, rouge et jaune,
Sous le dais funéraire où tout un peuple accourt.
Au pied du catafalque une main qu’on soupçonne
Pieusement a disposé son Grand Cordon
Comme un salut suprême en forme de couronne,
Et le Lion Belgique, au cœur de son blason,
Sur les cierges dressé, flamboyant et de face,
Exalte à tous les yeux la fierté de sa race.
Confondus dans les rangs où s’accordent les cœurs,
En un long défilé du parvis jusqu’au chœur,
Tous ceux que parmi nous leur devoir ou leur âge
A retenus captifs, viennent lui rendre hommage.
Et quand, l’absoute dite et l’office fini,
Par l’encens et par l’eau le prêtre l’eut béni,
Et qu’alors résonna, mieux qu’une voix qui prie,
Plus cher, plus déchirant que les hymnes sacrés,
L’Hymne qui toujours chante en nos cœurs éplorés,
Un long frisson d’amour monta vers la Patrie.

II


Mais n’allez pas penser, vous qui vivez ailleurs,
Que ces honneurs publics et ces apprêts funèbres,
Ce temple et ces autels, la cire et les ténèbres,
Ce sarcophage enveloppé de nos couleurs,
Et la foule innombrable accourue attendrie,
Et les rappels de l’orgue évoquant la Patrie,
N’allez point supposer qu’aux seuls puissants d’hier,
Aux seuls grands de la terre et de haute lignée,
La couronne civique ici soit décernée.
Un vent d’égalité souffle à travers les airs,
Égal est le courage, égale est la souffrance.
Tel a connu l’exil qui fit germer son mal
Et trouve à son retour la mort pour récompense,
Tel au continent noir reçoit le coup fatal,
Tel autre dans la steppe en son auto blindée,
ou quelque part en Flandre, au front, dans la tranchée,
Tel expie au piquet ses exploits de passeur,
Tel périt dans les flots pilote-aviateur,
— Tous ont renouvelé dans leur sang leur baptême,
Leur noblesse est pareille et leur palme est la même !


22 décembre 1917.