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78 SULLY PRUDHOMME

tremblent, et le silence de Dieu rejette notre espoir dans l'angoisse. Alors, sans aucune vio- lence de geste, sans aucun de ces blasphèmes d'un pittoresque naïf, où se plaît la révolte byro- nienne, le poète répond au silence par le silence : la prière ne sortira plus de son cœur fermé aux croyances de la foi. Démuni de tous les appuis, il monte dans sa tour d'ivoire pour oublier la nature indifférente, l'humanité traîtresse, l'art illusoire, les promesses divines si menteuses, et fonder sa religion de l'honneur sur le désespoir. De là ce mot du Journal : « Un désespoir pai- sible, sans convulsion de colère et sans reproche au ciel, est la sagesse même. »

Le pessimisme du poète a semblé incurable et définitif. Mais, en fait, il fut provisoire. Vigny a compris la stérilité de cette doctrine. Le pessi- misme est le triomphe de l'esprit de mort. Com- ment le désespoir donnerait-il l'essor à l'espoir? Comment la désillusion éveillerait-elle la vaillance? Vigny s'est ressaisi. Ses deux derniers poèmes sont des élévations pleines d'allégresse, des chants d'espoir. Dans la Bouteille à la Mer, il proclame sa confiance dans la pensée humaine, lu Esprit Pur est la glorification de la science. Ainsi le