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LA PENSÉE DE VIGNY 77

On s'est plu à dégager de l'œuvre de Vigny une doctrine pessimiste qui luise nos élans en montrant la vanité de tous nos appuis. El j'avoue que ses plus beaux vers sont des formules de désespoir. Le développement de cette pensée impitoyable suit un rythme ferme et dur qui enserre l'effort humain dans un cercle d'infortune qui semble infranchissable.

L'humanité vit dans la détresse et dans l'aban- don. La nature oppose à nos interrogations pas- sionnées l'ironie de sa beauté froide. Nos adora- tions ne touchent pas l'insensibilité des printemps. L'amour humain est aussi décevant que la nature, car la trahison de la femme est naturelle et inévi- table. L'art apportera-t-il l'apaisement? Le cri épouvanté que pousse le génie après l'achèvement de sa mission montre que les meurtrissures de la pensée créatrice sont aussi incurables que l'insen- sibilité de la nature et les trahisons de l'amour. — Réfugions-nous dans la prière et reposons-nous dans la paix de la croyance. Mais si les Dieux res- taient sourds à nos appels! Le Christ du mont des Oliviers, qui symbolise l'humanité croyante, interroge Dieu avec des mots suppliants, dans un paysage qui frissonne, auprès des oliviers qui