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58 SULLY PRUDHOMME

Enfin Sully Prudhomme a voulu, de bonne heure, se dérober à l'effet accablant de cette mélancolie qui assombrit les conclusions de la doctrine Parnassienne. Car l'œuvre des Parnas- siens dégage une morale à la fois attirante et mélancolique. Elle paraît d'abord délicate et noble, mais elle suppose une rare élégance intel- lectuelle, de longs loisirs et la jouissance des joies de la vie : c'est une morale de prix de Rome, de pensionnaire de la villa Médicis, alors que l'a,do- lescent, sous le ciel de l'Italie, subit le prestige de tant de beauté et croit à son génie.

Mais la vie montre vite la fragilité de ces élé- gances morales, et l'art ne fournit pas toujours la réponse et le remède que réclame notre pensée. D'ailleurs les aveux mêmes des Parnassiens sont décisifs, et l'amertume de leurs conclusions dément la sérénité de leur manière. Il semble que cette religion de la beauté, d'abord si enivrante, les abandonne et les laisse dans le désarroi.

Leconte de Lisle aboutit à une sorte de boud- dhisme, au goût de la mort, à l'amour de la mort. Il crut d'abord arracher le passé au néant, et