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50 SULLY PRUDHOMME

tableau qui se déroule devant le poète. Son langage si souple et chantant s'enroule, comme une délicate parure, autour des mouvements du cygne pour en faire valoir la grâce et l'harmonie. Mais il comprit bientôt que les ressources plastiques de son vocabulaire ne suffiraient pas au jeu savant des pierreries verbales selon la méthode parnassienne. Surtout il se rendit compte d'une tendance essentielle de son esprit. Au lieu d'observer la nature voluptueusement, avec des yeux de peintre, il aime mieux s'écouter lui-même. Lentement, avec les plus délicats soucis, il veut suivre les épisodes les plus subtils de sa vie intérieure, et il les décrit en une langue peu pittoresque, mais finement nuancée et cares- sante. Il retient la méthode d'observation du Parnasse, mais il déplace son observatoire. Au lieu de décrire l'univers ou les formes caractéris- tiques de la vie humaine, Sully Prudhomme étudie l'âme de Sully Prudhomme. Dès son premier recueil cette tendance triomphe. Les poèmes plastiques paraissent adroits, mais ils sont d'un brillant disciple : au contraire un art fin et neuf de décrire les âmes révèle déjà un maître.