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LA SENSIBILITÉ ROMANTIQUE 27

gravissons les sommets, nous ne trouvons plus les fleurs qui tapissent le fond des vallons, et pourtant nos émotions les plus hautes se dressent dans ces contrées lointaines. La poésie de ces lieux n'est pas dans le jeu mouvant des apparences multicolores, mais dans l'éclat de l'air qui nous enveloppe et l'allégresse de l'azur qui nous domine : ainsi dans ces poèmes dépouillés de la fleur de l'image, l'idée peut révéler sa beauté par sa lumière et sa puissance de vibration.

Quel magnifique élargissement est assuré à la poésie! Sully Prudhomme contribue efficacement à combattre un préjugé trop répandu et longtemps garanti par les triomphes du romantisme. Depuis plus de cent ans, nous sommes portés à confondre la poésie et le lyrisme. Confusion arbitraire que les classiques n'ont pas commise! Ceux qui réduisent la poésie au lyrisme limitent injuste- ment le domaine de la poésie Voublions pas que dans le premier épanouissement de la philosophie grecque, les Xénophane et les Parménide, les Empédocle et les Pythagore révélèrent déjà l'al- liance de la pensée forte et de l'imagination plastique. La poésie philosophique de Platon est plus émouvante que la mythologie mensongère