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20 SULLY PRUDHOMME

l'homme à projeter sa personnalité sur l'univers. Cette tendance est légitime, puisqu'elle traduit le désir universel de l'être à persévérer dans l'être, mais les romantiques l'ont enfiévrée et cor- rompue. Sully Prudhomme se garda vite de ce tumulte et de ces ardeurs qui empêchent l'homme de se plier à l'observation des choses et de chercher dans l'évolution de la vie la loi de l'humanité. Ce souci d'une attitude désintéressée et dominatrice, dont le poète a montré l'impor- tance dans ses lettres à Ch. Richet, fut de plus en plus impérieux, et nous sert à comprendre l'élar- gissement progressif de son œuvre. D'abord élégiaque, individuelle, un peu courte et fragile, cette œuvre s'ennoblit avec les années et se hausse enfin au grand poème philosophique. Le poète, parti de l'anatyse de nos mélancolies distinguées, aboutira aux plus larges synthèses. Ses premières élégies sont exquises, mais l'accent de la Justice est plus émouvant. Il ne faut pas qu'en prononçant le nom de Sully, avec sa résonance aiguë et plaintive, l'écho lointain et triste du Vase brisé retentisse uniquement dans nos âmes et nous empêche d'en- tendre les chants de la vaillance et de la guérison-. Donc Sully Prudhomme ne tarda pas à com-