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18 SULLY PRUDHOMME

l'observer avec respect, il la plie à l'expression de sa sensibilité, pour l'obliger à jouer un rôle.

L'âme de Chateaubriand, mélancolique et fas- tueuse, demande à l'univers de bercer sa tris- tesse ou d'encadrer son orgueil. Ainsi le paysage où il se complaît est un paysage d'orage ou un paysage d'apothéose.

Lamartine, le poète pour qui le passé seul existe, amène la nature à se composer au gré des souvenirs, et il insinue à travers ses formes la forme -même de ses songes.

Victor Hugo, en proie aux images, oblige l'uni- vers à multiplier les aspects de sa vie intérieure, où b missent toutes les formes du pittoresque. Il im- pose une constante collaboration à la nature qui doit subir et illustrer sa toute-puissante imagination.

Ces poètes exercent sur la nature une sorte de violence. On dirait qu'ils se promènent à travers les choses pour recevoir des caresses ou pour recueillir des hommages. Ils se servent de la nature comme d'un décor, ou ils l'exploitent, comme une courtisane. Ils la calomnient ou ils l'adorent, et les gestes de menaces suivent les paroles de supplication et d'amour. Ils l'adorent, tant qu'ils trouvent en elle un apaisement ou