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2S8 SULLY PRUDHOMME

Dans notre vie sociale, les rapports de force dominent encore : nous sommes à peine dégagés de la barbarie et de la férocité primitives. La plu- part de nos lois, même celles qui expriment des rapports de justice, doivent faire appel à la force. L'homme est encore ainsi fait que la voix de la raison seule et de la justice ne le convainc pas. Pour qu'il obéisse sûrement, il doit pressentir le recours possible à la contrainte. Sans doute l'obligation, pour l'auteur d'un délit, de dédom- mager l'a victime est-elle l'expression d'un strict rapport de justice, mais la force publique doit souvent contraindre le récalcitrant. A peine pou- vons-nous entrevoir ce que pourrait devenir, dans l'humanité dégagée de la hantise de la force, une législation qui délibérément se bornerait à poser des principes d'équité ! La Révolution française a généralisé cette illusion si noble, mais prématurée : la Déclaration des droits de l'homme est un pur exposé de ces rapports de justice. Si la valeur morale de la Déclaration est immense, avouons que les faits révèlent encore l'insuffisance de sa portée juridique. Qu'il semble encore lointain l'idéal de notre Révolution!

D'ailleurs la loi ne saurait, par elle seule, plei-