252 SULLY PRUDHOMME
jours en menaces, quand il ne retentit pas en tumultes de sang.
Devant ces déchaînements qui entretiennent la crainte, l'homme a cherché un appui qui ne fût pas trop branlant. En face de cette loi naturelle et féroce, il a dressé la notion de son droit et de sa loi. Ainsi le droit sort du besoin de modérer ces conflits farouches. La loi, c'est la trêve imposée à des combattants pour les empêcher de se dévorer. L'homme a voulu interdire à la guerre universelle d'aboutir à l'universel épuisement.
Cette définition de la loi se rattache à la doc- trine de Hobbes. Elle suppose que l'homme est un loup pour l'homme, — que le goût de la haine est l'expression de nos plus profonds ins- tincts, — que la loi humaine dérive de la néces- sité pour tous de diminuer la férocité naturelle et insatiable de chacun, — que le droit humain n'est qu'une garantie de paix entre les occasions de guerre toujours renaissantes.
Ces pensées assombrissent la première partie du poème de la Justice. Elles sont exposées en sonnets durs et froids que le frémissement de la pitié soulève çà et là d'une émotion brusque.