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248 SULLY PRUDHOMME

et soumis par Malherbe à des prescriptions plus étroites, a dû être assoupli par le labeur de Cor- neille et de Molière avant de se plier à l'harmonie du vers de La Fontaine, de Racine et de Ghénier. L'œuvre de Victor Hugo a été nécessaire, je ne dis pas pour créer le vers romantique — il n'y a pas de vers romantique, — mais pour nous rendre agréable la dislocation de son vers. Enfin les artistes du Parnasse ne sont pas arrivés sans peine h accréditer une innovation qui paraîtra sans doute insignifiante : « elle filait pensivement la blanche laine ». L'histoire donne une nécessaire leçon de prudence, et le souvenir des maîtres apprend la loi de solidarité qui s'impose aux plus grands. Au contraire les symbolistes, se libérant de toute contrainte, ont multiplié les innovations dans le désordre de leur indiscipline, et ils n'ont pas réussi encore à démontrer l'efficacité de ce vers de 14 pieds qui paraît légitime parce qu'il est normal. C'est qu'une habitude nouvelle, ou, pour reprendre l'expression d'Emile Faguet, « une révolution physiologique » ne peut s'imposer à nos oreilles, si elle n'est pas garantie par la colla- boration du temps et les efforts concertés des artistes.