L IDÉE DE LOI 243
sidérée comme une atténuation de l'hiatus? — De même est-il toujours raisonnable de distinguer le sexe des rimes? Puisque les mots mur et murmure produisent le même son, ne pourrait-on pas les faire rimer? — De même la règle de l'alternance des rimes est-elle soutenable lorsqu'on se rappelle les avantages de la liberté primitive? Les poètes du Moyen âge, et, au xv e siècle, Villon et Charles d'Orléans, savaient rendre harmonieuse la mono- tonie des vers nionorimes; et La Fontaine, échap- pant a la férule de Boileau, a recherché, par la répétition prolongée d'un son, des effets de comi- que emphase : « Jugez si chacun s'y trouva — le Prince aux cris s'abandonna — Et tout son antre en résonna. »
Il ne convient pas davantage de garder le pré- jugé de la rime riche, de la rime pour l'œil. Il est des cas où la rime riche s'impose; mais, si la sensibilité est banale et la pensée médiocre, cette continuité dans l'opulence fait ressembler le poème à un travail de joaillerie où il y aurait plus de clinquant que de perles rares et fines. Evitons le faste parnassien. La poésie est essentiellement une musique et la rime doit, avant tout, réjouir notre oreille. Si l'influence de la peinture sur les