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228 SULLY PRUDHOMME

rent en nous spontanément, comme les accords se forment au-dessus des voix qui se fondent; et la méditation, au lieu de révéler l'artifice qui dissout toujours les comparaisons arbitraires, éclaire la force de ces souvenirs associés. Comme Faustus, ïannhauser charmé par la déesse d'amour n'est pas libéré de ses souvenirs humains. Une nostalgie invincible pèse sur ses joies et prolonge en lui l'écho des douleurs terrestres :

Le plaisir n'est pas seul ce qu'il faut à mon cœur : Du fond même des joies j'aspire aux souffrances.

(Acte I, se. 2.)

Ainsi dans les grottes du Venusberg, parmi l'appel des sirènes, le chant du malheur apporte son trouble. Faustus ne se résigne pas à jouir de son bonheur dans la solitude, et Tannhauser ne supporte plus son allégresse silencieuse dans la contemplation de Vénus : le cri des foules qui pleurent rend leur bonheur insoutenable. Comme Faustus, Lohengrin a vécu dans la paix divine du temple qu'habitent les songes des hommes, mais sa paix se trouble à l'appel de l'infortune. Eisa a pleuré et Lohengrin veut défendre Eisa. Mais Eisa ne peut se plier au mystère. Malgré son ser- ment, elle interroge avec l'avidité tremblante qui