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10 SULLY PRUDHOMME

pour les placer dans un monde arbitraire, est développé par les romantiques avec les méta- phores les plus ambitieuses. Il est souvent exprimé dans l'œuvre de Lamartine. Par exemple, Fàme du poète est comparée à un feu dévorant, au vent de l'aurore, qui s'élève avec le matin, renverse et brûle ou dévaste comme l'orage. Et ces comparaisons n'offrent pas seulement au poète l'appui et la parure des images : elles épuisent la pensée romantique sur la nature du génie. Hugo traduit- le même sentiment avec des métaphores plus enflammées. Sans parler de l'allégorie de Mazeppa trop banale et conventionnelle, je citerai ce fragment du livre posthume, Toute la Lyre :

Je sens que par devoir j'écris toutes ces choses Qui semblent, sur le fauve et tremblant parchemin Naître timidement de l'ombre de ma main. Est-ce que par hasard, grande haleine insensée Des prophètes, c'est toi qui troubles ma pensée? Où donc m'entraîne-t-on dans ce nocturne azur? Est-ce un ciel que je vois? Est-ce le rêve obscur Dont j'aperçois la porte ouverte toute grande? Est-ce que j'obéis? Est-ce que je commande? Ouvrez-vous que je passe, abimes. gouffre bien. Gouffre noir! Tais-toi, foudre! Où me mènes-tu, Dieu? Je suis la volonté, mais je suis le délire.

Jamais Hugo n'a traduit avec plus d'éclat la démarche enfiévrée de son délire. Il ne pouvait