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dissoudre dans le chaos, et le progrès sera inter- rompu devant l'envahissement des énergies pri- mitives. Ainsi les puissances de mort ont vaincu les puissances de vie. L'homme, qui avait la parole et le baiser, a cédé à la haine, et la haine fut plus forte que l'amour. L'homme qui avait sa raison droite, puisqu'en elle se reflète la nature, a inventé des fables qui sont des blasphèmes à la vérité. L'homme, désarmé de ses meilleurs appuis, a conçu le bonheur comme la satisfaction du désir, et il devient la proie de ses désirs sans limites. Les malheurs individuels et les injustices sociales sont la rançon d'une longue erreur. Le monde humain, d'où s'échappent aujourd'hui tant de cris de révolte, chancelle dans un intolérable malaise parce qu'il s'est trompé dans sa doctrine du bonheur.

Telle est l'idée forte qui se dégage de la con- clusion véritable de cette œuvre, et non de son dénouement qui semble d'ailleurs postiche et se perd dans la description d'une béatitude illusoire. Car il convient d'avouer que le poète s'attarde ici dans un romanesque de convention dont son imagination plastique, un peu frêle pour exprimer une philosophie si ardente, ne réussit pas à dissi-