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218 SULLY PRUDHOMME

liment de la plénitude parce qu'elle se réalise par le don de soi. Car le sacrifice est un acte divin. Dans les meilleures expressions de la sensibilité et de la pensée, l'homme combine et juxtapose : il est le subalterne de la nature. Par le sacrifice, il achève l'œuvre de la nature en réalisant sa suprême aspiration : il insinue un acte neuf dans la série des phénomènes extérieurs et aveugles. Il crée de la vie dans l'être qu'il arrache à l'accablement et à la mort. L'homme qui se sacrifie arrête la mort qui plane sur l'être qu'il va sauver : il a l'attitude d'un dieu. Le sacrifice est l'apothéose de l'homme : c'est pourquoi Faustus et Stella sont emportés dans une région glorieuse.

Enseignement très noble, mais ardu pour nos volontés fragiles ! Pourtant il n'est pas chimérique, et la médiocrité même de nos âmes peut témoi- gner de son eflicacité Dans notre vie si banale et consumée par des ardeurs successives et courtes, les seules joies dont le souvenir soit inépuisable sont celles que l'homme éprouve quand il accom- plit dans le silence, loin des regards des hommes, un acte de sacrifice. Ces minutes furent brèves, et pourtant le souvenir les pare d'une joie innom- brable.