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LK BONHEUR ET LK DESTIN DES HOMMES 211

Ce premier acte renferme déjà un jugement essentiel et d'autant plus accablant qu'il sort spon- tanément du déroulement même de ces heures enchanteresses, comme un cri de deuil parmi les explosions de joie. Le poète nous laisse entendre que nos désirs s'épuisent, parce que le songe use le songe. Faustus n'est pas heureux parce que sa sensibilité est la proie de son rêve. Car le rêve est l'effusion du désir, et le désir est insatiable. Le désir ne peut pas limiter le désir : il est sem- blable à L'espace sans bornes ou à une mer sans fond et sans rivages. Nos joies surexcitent nos délicatesses, et nos délicatesses trop surmenées nous meurtrissent. A force de sentir, nous tom- bons en défaillance. Malheureux que nous sommes ! L'excès du plaisir est aussi insoutenable que l'excès de la souffrance. Ainsi le désir d'abord nous tourmente, puis la satiété survient, plus insupportable que le désir.

Je n'assombris pas ce premier acte : je me borne à souligner les aveux du poète. Trois fois il fait entendre un accent de plainte dans ce mer- veilleux chant d'amour. D'abord la force invin- cible du souvenir est indiquée : parce que Faustus est un homme, il n'a pas détruit en lui le sou-