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LA NATURE ET LA JUSTICE 181

beaux motifs d'émoi; mais le poète philosophe, qui uc 8'attarde pas au luxe <les apparences, saisit vite la loi de la vie et s'étonne devant l'effort de l'évolution : la fleur lui fait éprouver le sentiment de l'infini. A plus forte raison l'éprouvera-t-il devant les grands spectacles de la nature. Déjà dans les Stances et Poèmes, il s'écriait : « L'Océan brise la pensée »; mot digne de Pascal. L'océan tumultueux et pacifique, plus émouvant dans sa paix que dans son tumulte, accable sa pensée qui a senti sa limite dans ce déroulement infini des flots. Ainsi, devant la fleur, il éprouvait un tour- ment si profond que, pour l'exprimer, il le répan- dait sur les âges sans nombre; devant l'océan il sent sa pensée courte, vite brisée, et comme en éclats.

On voit que la science du poète est venue accroître et prolonger son sentiment de l'infini de la nature et de la petitesse de l'homme. Car le savoir, au lieu de détruire la poésie, l'approfondit et l'exalte. Les révélations de la science sont plus émouvantes que les mensonges les plus brillants de la fable. Le prestige des romans mythologiques s'efface, et la pensée du poète proclame que le char d'Apollon, ses flèches d'or et le galop de ses