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178 SULLY PRUDHOMME

degrés où tu te dresses emphatiquement avec une couronne royale. Si tu commets le mal, j'ai le droit de te blâmer et de proclamer ta déchéance, car je t'ai donné les moyens de la justice. Si tu fais le bien, j'ai le droit de reconnaître mon œuvre dans ton œuvre, car ta conscience et ta dignité sont mes créations. Quand tu médites en regardant les étoiles, ta méditation est un hom- mage à mon passé si douloureux. Ta grandeur est jusqu'ici ma suprême conquête, mais j'aspire à créer une vie moins incohérente et moins mépri- sable que la tienne, ô homme qui te crois le chef-d'œuvre de la création, et si tu ne m'apportes pas ta collaboration comme l'acquittement de ta dette, j'arrêterai l'œuvre de progrès à laquelle je préside, et je laisserai se déployer sur les ruines de ton humanité déchue mes puissances innom- brables.

Ainsi le poète, après avoir calomnié la nature, fut amené à lui rendre hommage, en reconnaissant que les « griefs de l'homme sont sans fondement », en comprenant que les maux de la nature ne sont pas les caprices « fous ou coupables » d'un tyran, mais la manifestation nécessaire d'une loi de plus en plus créatrice, en apprenant enfin que la