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154 SULLY PRUDHOMiME

doctrine du poète s'épanouit dans une large synthèse qui exprime l'histoire du monde. Le fond des choses est trouhlé par un tourment divin. Le caillou de la route est dur et insensible : il semble sommeiller, mais ce sommeil est « le frère lointain des noirs sommeils de l'homme ». La fleur est déjà sensible. On dirait qu'elle subit « la vague obsession des zéphirs d'alentour ». La goutte qui tremble sur le lis n'est qu'un peu de rosée : ne disons pas que le lis pleure, et ne gâtons pas par nos métaphores ambitieuses la vérité de ces grands faits qui n'ont pas besoin de notre collaboration pour paraître si émouvants. Pourtant le lis est vivant, le lis a une ombre d'âme :

lis pur, languissant et pale, où s'est posée Celte goutte qui tremble et roule connue un plein-. Je sais bien que cette eau n'est qu'un peu de rosée Et que nul vrai chagrin n'a causé ta pâleur; Mais cependant tu vis! et si tu n'as point d'âme, Quelque ombre d'âme en toi déjà rêve et se pâme, Avec une ombre aussi de joie ou de douleur.

Le papillon qui « semble vaguer dans l'air comme une fleur sans tige » est plus vivant encore. Il peut aller à son gré du lis à la verveine. Le monde se reflète déjà dans son regard, et à travers cet être si frôle un « confus mélange de la