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LA MÉLANCOLIE ET L'ESPRIT D'ANALYSE 145

tions d'art, l'impénétrabilité de nos âmes : il tarit maintenant la beauté de l'univers. La vie entière est assombrie, et le poète, qui semble survivre à ce complet naufrage, se lamente, parmi ces ruines, sur sa misère et son abandon. Devant tant de ravages, il trouve la mort préférable a la vie, et il s'ordonne de ne pas transmettre la vie, c'est-à- dire la douleur, à un être irresponsable. Dans « l'invisible essaim des condamnés à naître », il épargne celui qui, du fond de lui, aspire à la lumière du jour :

Demeure dans l'empire innommé du possible, fils le plus aimé qui ne naîtra jamais! Mieux sauvé que les morts et plus inaccessible, Tu ae sortiras pas de l'ombre où je dormais!

Le zélé recruteur des larmes par la joie, L'Amour, guette en mon sang une postérité. Je rais vœu d'arracher au malheur cette proie, Nul n'aura de mon cœur Faible et sombre liérité.

Celui qui n'a pas vu triompher sa jeunesse VA traîne endoloris ses désirs de vingt ans, Ne permettra jamais que leur flamme renaisse Et coure inextinguible en tous ses descendants!

(Les Vaincs Tendresses. Vœu.)

Poème d'une beauté singulière, où l'art de Sully Prudhomme, qui semble à l'ordinaire plus lin que puissant, plus nuancé que heurté, atteint

SULLY pnUDHUMMK. 10