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Telle est la source du mal moderne qui égara tant d'intelligences et faillit accabler Sully Prud- homme après l'avoir si longtemps endolori. Car il parut d'abord se mêler au cortège des Enfants du siècle et prolonger l'écho de leurs amertumes. Cortège lugubre qui fait passer devant nous le souvenir de tant de forces gaspillées et d'avorte- ments! C'est Werther, âme ambitieuse et chimé- rique qui se dévore elle-même, — et René qui recherche la solitude pour s'enivrer de son magni- fique dédain, — et Obermann dont la sensibilité inépuisable se débat contre une volonté incer- taine, René qui méprise la vie et se refuse à l'action, et Obermann qui rêve sa vie et ne peut sortir de son rêve. C'est Adolphe, qui montre un cœur desséché par une intelligence trop assouplie, et Chatterlon dont les mains frêles d'enfant pas- sionné se sont rompues au choc de la vie qu'il ignore, et Amaury qui surmène son désir dans la poursuite d'une volupté insaisissable. Ces désillu- sions et ces fatigues, ces crises d'amertume et de fadeur dévoilent, avec la force du mal d'Hamlet, la portée de la méditation de Shakespeare. L'âme de Sully Prudhomme risqua de sombrer dans la même impuissance. De ses premières œuvres sort