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LA MÉLANCOLIE ET L'ESPRIT D'ANALYSE 141

accomplit l'acte, parce qu'il s'est desséché lui- même dans l'anarchie des contemplations inté- rieures : ainsi il s'exalte dans le rêve, mais devant l'action il semble chétif. Sa fièvre le dévore en dissolvant l'idée de loi. Rien ne résiste à la force alTolée de son sarcasme. Après avoir tari les sources de la pensée et de l'action, il se prive de l'appui que donne l'observation des choses, et il ne craint pas de déshonorer la nature par son orgueilleux dédain : « La terre me semble un stérile promontoire : et l'air, voyez-vous, ce dais magnifique, ce superbe firmament suspendu, cette voûte majestueuse parsemée de feux d'or, eh bien! ce n'est plus pour moi qu'un amas de vapeurs empestées. » — Et ailleurs : « Que les choses de ce monde me semblent fatiguées, usées, insipides et vaines... » Un esprit qui pense ainsi est un esprit mort. Une âme qui sent ainsi est une âme en dissolution. Shakespeare, en poursui- vant la marche du mal qui ronge Hamlet, arrive à l'aveu qui termine toutes les méditations humaines : La conscience de l'homme, livrée à elle-même, se déchire et se dévore et ne retrouve son calme qu'en s'appuyant sur la discipline qu'imposent les lois de la vie-