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LA MÉLANCOLIE ET L'ESPRIT D'ANALYSE 135

Tu dédaignes cet amant frôle : Tu ne lui rends pas son baiser.

Celles qu'on aime on les désole, Car, mentant même à leurs genoux, Sans le vouloir on les immole A toi, la souveraine Idole, Invisible à leurs yeux jaloux.

(Les Vaines Tendresses.)

En écoutant les confidences de la musique le cœur du poète se charge d'une mélancolie plus insoutenable, car la musique, en déchaînant nos puissances d'aspiration, exalte tous nos motifs de mélancolie. Il semble que l'ivresse apportée par le charme du son soit toujours rachetée par quelque angoisse :

musique, lorrenl d'ivresse et de langueur, Vague pour la raison, niais si précise au cœur, Qui, surprenant dans l'air des plaintes naturelles, Fais parler l'espéra me et la douleur entre elles, Langage universel comme l'est le baiser, Ton sanglot doux au cœur y tinte à le briser!

(Le Prisme.)

Par cette vie étrange des sons, le poète est désemparé et comme en tumulte. Il ne comprend plus ses livres familiers, et il maudit ces mélodies trop troublantes. La vie coutumière se recouvre de fadeur et il ne trouve de l'accent qu'aux livres d'orage écrits sur les sommets de la pensée. Il